(Cet article constitue la seconde partie d’un article dont le titre entier s’intitule : « Le juge et la recherche de la vérité en droit anglais et en droit français ». En raison de la taille importante de l’article initial nous avons décidé de procéder à une publication en deux parties. Accès à la première partie.)
(Nous précisons également que nous avions publié initialement l’article intégral sur un autre support, aujourd’hui disparu. Ceci pourrait expliquer un éventuel anachronisme).
Il est bien certain que les conceptions anglaises et françaises sont radicalement opposées. Mais il semble que si l’une d’entre elles doit, à terme, prédominer sur l’autre, la conception favorable à la recherche de la vérité l’emportera.
Il faut en effet se souvenir qu’il a été proposé de transposer en droit français le modèle anglais, du moins en ce qui concerne le rôle du juge pénal lors de la phase d’instruction. Tel était en substance la conséquence du projet élaboré par le professeur Donnadieu de Vabres en 1949.
D’après cette proposition “le juge d’instruction devenait le juge de l’Instruction” (1). Il aurait été dépossédé de ses pouvoirs d’investigations, lesquels auraient été transférés à la police et à la gendarmerie. La fonction du juge se serait alors résumée à accorder ou refuser les mesures les plus attentatoires aux libertés individuelles, à trancher les incidents et à apprécier le caractère déterminant des preuves réunies par les parties.
Ce projet Donnadieu de Vabres allait directement à contre courant de la conception française de la fonction juridictionnelle qui considère que “savoir est une condition indispensable du jugement”(2) et fut abandonné. La transposition en droit français de la conception anglaise a échouée.
Il semble, par contre, que le rôle du juge tel qu’il est conçu en droit français puisse prochainement influencer le droit anglais.
Les prémisses de cette évolution sont observables en matière civile. Lors d’une procédure introduite par writ, dans la phase avant le trial, les parties ont normalement la maîtrise du litige. Le Master of the Supreme Court (3) n’intervient que rarement car il “ne joue pas le rôle que joue en France le juge de la mise en état” (5).
Mais le pouvoir de ce juge se renforce progressivement. Certains auteurs de droit comparé remarquent qu’il est déjà devenu normal que le Master ordonne l’échange entre les parties des déclarations des témoins” (5) et envisagent “que le juge de l’avenir profitera de sa connaissance avant le trial des preuves qui seront administrées par les parties pour leur proposer éventuellement, sinon pour leur ordonner, l’administration d’une preuve additionnelle” (6).
Ces prérogatives sont favorables à la recherche de la vérité.
Comme nous le présupposions le développement des préceptes de la fonction juridictionnelle est probable, même en Angleterre. En conséquence, nous acquiescions naturellement aux propos de M. J.A. Jolowicz lorsqu’il estime “que la procédure civile anglaise se trouve actuellement, et à son insu, au seuil d’un revirement éventuel de l’esprit qui l’a formée pendant des siècles” (7).
Notes de bas de page :
(1) J. Basse, Débats in Le rôle du juge et des parties dans l’administration de la preuve, Trav. XVIIème colloque des IEJ, Univ. Grenoble II, 1991, p. 58.
(2) J. Vogt, Débats in Le rôle du juge et des parties dans l’administration de la preuve, Trav. XVIIème colloque des IEJ, Univ. Grenoble II, 1991, p. 62.
(3) Juge compétent pour la procédure antérieure au trial.
(4) J.A. Jolowicz, Droit Anglais, 2ème éd., Dalloz, 1992, n° 126.
(5) J.A. Jolowicz, op. cit., n° 135.
(6) Ibid.
(7) Ibid.