Dans un arrêt en date du 24 octobre 2019 la troisième chambre civile de la cour de cassation vient de rappeler qu’en matière de bail commercial le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire.
Au cas d’espèce un locataire principal avait sous loué à une autre société des locaux commerciaux par un bail commercial prenant effet au cours de l’année 2010. L’acte prévoyait que la sous location était régie pour le statut des baux commerciaux.
Le sous locataire avait donné au locataire principal un congé, par une lettre recommandée avec accusé réception, pour l’échéance triennale devant intervenir au cours de l’année 2016, ceci en observant un délai de préavis d’au moins six mois.
Dans un arrêt en date du 06 septembre 2018 la Cour d’appel de Caen avait estimé que dans sa version applicable lors de la délivrance du congé l’article L 145-9 du code du commerce tel qu’il résultait de la rédaction de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques imposait la délivrance du congé par acte extrajudiciaire. La Cour d’appel en concluait en conséquence que le congé donné par le preneur par une lettre recommandée avec accusé réception n’était pas valable.
Le sous locataire procédait à un pourvoi contre cet arrêt au motif que seules les dispositions de l’article L. 145-4 du code de commerce sont applicables aux congés délivrés par le locataire avant une échéance triennale et que ce texte en sa rédaction applicable disposait clairement que le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire. Le sous locataire soutenait également que la cour d’appel n’avait pas répondue à ses conclusions d’appels selon lesquelles le congé peut être délivré par lettre recommandée depuis la réforme de 2015.
Dans son arrêt en date du 24 ocrobez 2019 la troisième chambre civile de la cour d’appel vise les articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 6 août 2015 précitée.
Elle rappelle ensuite que pour déclarer nul le congé, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Caen retient que le congé visant à mettre un terme à un bail commercial ne peut être délivré par le preneur que dans les délais et suivant les modalités prévues par l’article L. 145-9 du code de commerce qui, dans sa version applicable au 16 février 2016 et issue de la loi du 6 août 2015, imposait la délivrance du congé par acte extrajudiciaire.
La Cour de cassation ne partage pas le raisonnement adopté par la Cour d’appel.
En effet la Cour de cassation affirme qu’en statuant ainsi alors que l’article L. 145-4, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, confère au preneur la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire, la cour d’appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d’application et le second par fausse application.
La Cour de cassation casse ainsi la décision rendue par la Cour d’appel de Caen.
On voit mal comment la Cour de cassation aurait été en mesure de rendre une décision allant en sens contraire.
En effet l’article L. 145-4 du code du commerce est on ne peut plus clair. Il mentionne expressément qu’en matière de baux commerciaux le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, au moins six mois à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire.
Sur ce point la décision rendue par la Cour d’appel de Caen n’est tout simplement compréhensible. Comment à t’il été possible de ne pas respecter ce texte au contenu tout à fait limpide ? Il y a là un non respect étonnant des règles de droit qui démontre que la qualité de la justice est particulièrement désastreuse et inquiétant.
En aucun cas là Cour d’appel n’aurait dû prendre une décision qui méconnaît à ce point le texte de l’article L,145-4 du Code du commerce. La décision, sur ce point, de la Cour d’appel est d’autant plus critiquable et incompréhensible qu’elle a été prise par des juges professionnels qui visiblement ont méconnu le b a ba du droit en matière de congé pour les baux commerciaux.
Une méconnaissance d’une règle aussi basique en ce domaine pourrait presque, et encore, être compréhensible pour des juges non professionnels, comme pour les juges des tribunaux de commerce, mais en aucun cas par des juges dont c’est la profession, et qui ont suivi une formation initiale puis, nous l’espérons du moins, des formations continues, pour dire le droit en se prononçant sur les règles de droit applicables.
Les erreurs peuvent se produire en présence de situations complexes, complexité qui peut résulter de certains faits ou être liée à diverses règles, mais présentement il n’y avait aucune complexité. La formation suivie, la sélection opérée pour accéder à la profession, l’exercice de la profession et l’expérience acquise doivent être des gages de qualité de la justice et de sécurité juridique. Or visiblement cela n’est pas le cas.
Le faible niveau de la décision rendue par la Cour d’appel, encore une fois sur ce point particulier, démontre que l’ère des décisions de justice rendues par les êtres humains à peut être sonnée son glas. Les travaux relatifs à l’intelligence artificielle nous semblent devoir être développés et pourrait donner dans un cas où le raisonnement à tenir était on ne peut plus simple des meilleurs résultats que celui que la Cour de cassation a été contrainte de censurer. Le problème pour la qualité de la justice semble être l’être humain avec ses faiblesses, ses défaillances, voire son manque de compétence.
Accessoirement, puisque cela n’a pas été évoqué dans l’arrêt, on peut remarquer que, pour ceux qui en aurait douté, l’arrêt rendu par la Cour de cassation permet de considérer que la possibilité pour le preneur de donner congé au bailleur dans le cadre d’un bail commercial s’applique même aux baux conclus avant la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et de la rédaction de l’article L 145-4 du code du commerce en résultant.
Pour aller plus loin :
Référence de l’arrêt rendu par la Cour de cassation : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 24 octobre 2019, 18-24.077.
ECLI:FR:CCASS:2019:C300863
Décision attaquée : Cour d’appel de Caen, du 6 septembre 2018
Consultation de l’arrêt Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 24 octobre 2019, 18-24.077.
Consultation de l’article L 145-4 du code du commerce.
Consultation de l’article L 145-9 du code du commerce.