Il arrive que le contenu de certaines publications laissent pantois tant il semble surréaliste. C’est notamment le cas de la feuille de route sur l’environnement et le numérique réalisée par le Conseil national du numérique en partenariat avec le Haut conseil pour le climat dont le contenu a été diffusé le 08 juillet 2020 sur le site internet du Conseil national du numérique.
Cette feuille de route a été effectuée suite à une saisine de la ministre de la Transition écologique et solidaire et du secrétaire d’État chargé du Numérique en date du 11 février 2020. Cette feuille de route présente 50 mesures pour un agenda national et européen sur un numérique responsable, expression qui selon le Conseil national du numérique et le Haut conseil pour le climat correspond à un usage numérique sobre et au service de la transition écologique et solidaire et à des objectifs de développement durable.
Dans le cadre des présentes nous nous limiterons à la mesure 7 qui vise à « limiter l’empreinte environnementale de la conception et du déploiement des réseaux et des infrastructures numériques » et plus particulièrement nous nous attarderons sur la proposition visant à « encourager les forfaits à consommation limitée, y compris sur le fixe, afin d’éviter une subvention indirecte des utilisateurs à fort trafic par l’ensemble des usagers, (sachant qu’une fois le seuil dépassé, il s’agit de passer à des débits moindres) ».
Il semblerait que ces deux organismes ne vont pas jusqu’à préconiser un blocage de la connexion internet lorsque la consommation limitée prévue par le forfait est atteinte. Il y aurait un débit moindre en cas de dépassement du forfait. On peut toutefois craindre qu’en plus de la perte du niveau de prestation de l’opération internet ce dépassement entraîne également une facturation plus importante. Chacun ainsi devrait payer ce qu’il consomme réellement, ce qui dans la réalité pourrait se traduire par une augmentation de la facture pour tous.
Sous couvert de bon sentiment, puisque la protection de l’environnement est mise en avant, cette proposition totalement saugrenue nous ramènerait de nombreuses années en arrière au temps des « bons vieux » modems où le forfait illimité n’avait pas été inventé par Free. A cette époque l’accès à internet pouvait revenir extrêmement cher même sans avoir une consommation importante. Il était alors de bon ton d’installer sur son ordinateur un compteur pour avoir une estimation de sa consommation afin de ne pas avoir des factures effarantes.
Il est évident que cette mesure introduirait une profonde inégalité en fonction des revenus de chaque personne. Les personnes disposant d’un revenu d’un niveau suffisant pourraient user d’internet à leur guise même avec un débit moindre, tandis que les autres n’auraient qu’un usage restreint pour ne pas dépasser la consommation incluse dans le forfait limité, ce serait, indéniablement, un retour en arrière. Faut il vraiment en revenir là ?
A lire cette proposition surréaliste on ne peut qu’avoir l’impression que tant les membres du Conseil national du numérique (CNNum) et du Haut conseil pour le climat ont passé plusieurs décades antérieures enfermés dans une cave ou ont été contraints de vivre comme des ermites retirés du monde dans les lieux inaccessibles.
Les personnes membres de ces organismes n’ont elles pas été en mesure de constater qu’il y a une forte pression actuellement tant des opérateurs que des pouvoirs publics pour que les consommateurs d’internet abandonnent l’adsl au profit de la fibre, ce qui outre la rapidité offerte par cette dernière technologie entraînerait logiquement une plus grande consommation d’internet ?
Ces mêmes personnes n’ont elles pas été également en mesure de constater que la crise liée à l’épidémie du Covid-19 a entraîné un développement du télétravail, et donc un transfert de plus grandes masses de données, développement qui serait nécessairement freiné si les souhaits du Conseil national du numérique (CNNum) et du Haut conseil pour le climat devenaient réalités ?
Ces personnes également ont elles été aveugles au point de ne pas s’apercevoir que de plus en plus de personnes reçoivent la télévision par internet, ce qui nécessairement augmente le volume des données transmises ?
Ces personnes ont elles été incapables de constater que de plus en plus de services utiles, voire indispensables, y compris publics, sont devenus accessibles par Internet et que leur usage peut être encouragé par la loi voire imposé par celle-ci ? Or l’accès à ces services compte nécessairement dans la consommation d’Internet.
Ces arguments sont plus particulièrement axés sur le fixe mais des propos proches pourraient être développés pour le mobile. En effet ces personnes n’ont elles pas constatés qu’en France la 5G se développe ? Ce développement devrait augmenter la consommation d’Internet également.
A lire la composition du Conseil national du numérique et du Haut conseil pour le climat il est possible d’être impressionné par les fonctions et le passé de leurs membres (1). C’est pourquoi on ne peut qu’être encore plus sévère envers eux devant la pauvreté de la copie rendue sur le point objet du présent commentaire. Ils devraient avoir un avis éclairé. Ils ont rendu une copie obscurantiste (2) et déconnectée de la réalité.
Il semblerait que cette proposition surréaliste et nuisible a rencontré malgré tout des appuis auprès de certains sénateurs qui verraient d’un bon œil l’interdiction des forfaits permettant un accès illimité à internet.
Heureusement quelques personnes semblent garder raison. Tel est le cas de Sébastien Soriano, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep). En effet le vendredi 13 juillet 2020 il a exprimé son désaccord par un message diffusé sur Twitter, réseau social où cette proposition saugrenue du Conseil national du numérique et du Haut conseil pour le climat a d’ailleurs développé une forte adhésion contre elle.
La gifle appuyée essuyée par le Conseil national du numérique et le Haut conseil pour le climat sur Twitter a entraîné un rétropédalage en règle. Dès le 13 juillet 2020 sur Twitter puis sur son site internet dans un communiqué du 15 juillet 2020 le Conseil national du numérique a affirmé que sa proposition tend simplement à compléter les offres existantes.
Ben voyons ! Au lieu de tenter de faire une correction a posteriori il aurait été préférable d’éviter d’écrire n’importe quoi au préalable.
Note de bas de page :
(1) A la condition d’être susceptible d’être impressionné par de tels faits, ce qui est loin d’être le cas de toute personne.
(2) L’obscurantisme selon Wikipedia « est une attitude d’opposition à la diffusion du savoir, dans n’importe quel domaine ». Nous considérons qu’en limitant l’accès à Internet le Conseil national du numérique et le Haut conseil pour le climat s’opposent à la diffusion du savoir que peut permettre ce réseau.
Pour aller plus loin :
– Consultation de la feuille de route du Conseil national du numérique (CNNum) et du Haut conseil pour le climat sur l’environnement et le numérique.
– Accès à la composition du Conseil national du numérique.
– Accès à la composition du Haut conseil pour le climat.
– Consultation du communiqué du Conseil national du numérique.