La télévision numérique terrestre (TNT) est au cœur d’une refonte majeure en 2025, orchestrée par l’Arcom. Cette réforme de la numérotation des chaînes bouleverse l’ordre établi et redistribue les cartes entre les principales chaînes d’information. Si certaines tirent leur épingle du jeu, comme France Info et LCI, d’autres, à l’instar de CNews, se retrouvent désavantagées. Ce changement, applicable le 6 juin 2025, soulève des interrogations sur la neutralité du régulateur audiovisuel et l’impact de ces décisions sur le paysage médiatique français.
Table des matières
1. Une réforme au bénéfice des chaînes publiques ?
La nouvelle numérotation attribue des positions stratégiques aux chaînes publiques (sur l’importance de la numération, voyez notre article concernant les enjeux liés aux numéros des chaînes). France Info, autrefois reléguée au canal 27, se voit propulsée au canal 16, occupant l’espace autrefois dominé par Cnews.
Cette décision semble favoriser la visibilité de la chaîne publique, pourtant lanterne rouge avec une audience de 0,8 % en 2024. Grâce à ce repositionnement stratégique, France Info pourra plus facilement capter de nouveaux téléspectateurs qu’en restant au fond de la grille.
De plus, de nombreux habitués de CNews, non informés de cette nouvelle numérotation, se rendront par habitude sur le canal 16. Pensant y retrouver Pascal Praud, Sonia Mabrouk, Laurence Ferrari ou Christine Kelly, ils découvriront les programmes de France Info avant de repartir. Ces visionnages involontaires gonfleront artificiellement l’audience de la chaîne publique, lui offrant un accès inespéré à des spectateurs peu réceptifs à son contenu.
Dans le même temps, France 4 bénéficie d’une promotion significative, occupant désormais le canal 4 au lieu du 14 « pour plus de cohérence » avec les autres chaînes du service public. Ces ajustements semblent davantage destinés à renforcer les performances des chaînes publiques, au détriment des acteurs privés et de l’intérêt du public.
France 4, en effet, reste une chaîne anecdotique dans le paysage audiovisuel et au parcours chaotique. En juin 2018, la ministre de la Culture Françoise Nyssen avait annoncé que France 4 quitterait la TNT pour devenir une offre exclusivement numérique. Cette décision, bien accueillie par une partie de l’opinion publique et par le gouvernement, répondait aux interrogations sur la pertinence de maintenir cette chaîne sur la TNT. Cependant, elle a suscité un tollé chez les producteurs d’animation, poussant les autorités à revoir leur position.
En janvier 2020, Le Monde annonçait que la disparition de France 4 était actée pour août 2020. Ce plan fut finalement suspendu pendant le premier confinement, période où la chaîne restructura sa programmation pour offrir du soutien scolaire. Même alors, cette survie semblait temporaire : en août 2020, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, ne lui accorda qu’un sursis d’un an, jusqu’à août 2021.
Contre toute attente, cette fin annoncée fut annulée sur décision d’Emmanuel Macron, à la suite d’un lobbying intense de parlementaires. Malgré ce revirement, France 4 a continué à décevoir : elle a enregistré la pire audience de la TNT en 2021, et ses audiences n’étaient même plus mesurées en 2022.
L’attribution du convoité canal 4, libéré par l’arrêt de Canal+, semble donc difficile à justifier par la qualité ou l’utilité de la chaîne. Au contraire, cette décision illustre une gestion arbitraire qui questionne la transparence et l’impartialité du régulateur.
2. CNews reléguée : un coup dur stratégique
En revanche, CNews, leader des chaînes d’information avec 2,9 % d’audience, est déplacée au canal 14, un emplacement historiquement occupé par France 4. Bien que cette modification puisse sembler positive à première vue, CNews passant du canal 16 au canal 14, elle représente en réalité une perte stratégique majeure. Ce nouvel emplacement est associé à une chaîne peu suivie, et les habitués de CNews risquent de ne pas s’y rendre spontanément. Cette perte de familiarité pourrait entraîner une baisse temporaire, voire durable, de l’audience, car la numérotation joue un rôle clé dans la visibilité et l’accessibilité d’une chaîne.
La chaîne d’information du groupe Bolloré est-elle victime de son positionnement éditorial ? Sa ligne éditoriale critique envers le pouvoir en place tranche nettement avec le ton plus consensuel d’autres chaînes comme LCI, qui, de son côté, bénéficie d’un déplacement favorable dans cette nouvelle répartition. Cette relégation alimente les suspicions sur un éventuel manque d’impartialité de l’Arcom.
Ce n’est pas la première fois que l’Arcom semble adopter une posture hostile envers le groupe Bolloré. La suppression récente de la TNT pour C8 et NRJ12 illustre une attitude qui ne laisse que peu de doutes sur le parti pris du régulateur. L’atmosphère déjà tendue pourrait encore se dégrader avec l’arrivée prochaine de Martin Ajdari à la tête de l’Arcom, prévue pour le 2 février 2025. Ancien haut fonctionnaire au profil étroitement aligné avec les orientations du service public et des intérêts gouvernementaux, Ajdari risque d’amplifier une dynamique déjà préoccupante pour des chaînes comme CNews, qui s’écartent du narratif dominant.
3. Les autres gagnants : LCI et BFM TV
Outre France Info et France 4, d’autres bénéficiaires de ce remaniement sont LCI et BFM TV.
LCI, la chaîne d’information de TF1, voit sa position s’améliorer spectaculairement en passant du canal 26 au canal 15. Ce repositionnement stratégique rapproche LCI de ses concurrents directs, augmentant ainsi ses chances de capter une audience plus large et d’améliorer ses performances.
De son côté, BFM TV, qui occupe désormais le canal 13 au lieu du canal 15, reste la chaîne d’information la mieux positionnée dans la nouvelle numérotation. Cette situation constitue un avantage stratégique notable. Désormais sous la propriété de Rodolphe Saadé, connu pour ses affinités avec le pouvoir en place, BFM TV semble bénéficier d’un soutien manifeste dans cette redistribution. Toutefois, le groupe RMC BFM a exprimé son désaccord concernant la nouvelle numérotation, annonçant examiner toutes les voies possibles pour contester cette décision. Ce mécontentement semble surtout lié au sort de RMC Story et RMC Découverte, le groupe déclarant être « surpris du changement de position de l’Arcom, dont la jurisprudence attribuait jusqu’à présent aux derniers entrants les derniers numéros disponibles », une critique visant implicitement CMI TV et OFTV. »
Il est également à noter que l’Arcom a choisi de regrouper les chaînes d’information sur les canaux 13 à 16. Ce réaménagement peut être perçu comme une initiative visant à simplifier l’accès des spectateurs aux chaînes thématiques similaires. Cependant, cette rationalisation met en lumière une anomalie : le déplacement de CNews, la chaîne leader en termes d’audience, au canal 14. Ce positionnement, loin d’être avantageux, semble davantage répondre à des considérations politiques ou stratégiques qu’à une véritable logique de regroupement. Cette décision risque d’affaiblir la visibilité de CNews au sein de ce cadre resserré, où sa position semble délibérément défavorable.
4. Le rôle controversé de l’Arcom
L’Arcom, en charge de la régulation audiovisuelle, justifie ces changements par des impératifs de clarté et d’équilibre. Toutefois, la suppression de C8 et NRJ12, couplée à l’arrivée de nouvelles chaînes comme CMI TV et OFTV, alimente les accusations de parti pris. Ces deux nouvelles chaînes, perçues comme proches du pouvoir, semblent, selon de nombreux observateurs, avoir bénéficié d’un traitement de faveur pour obtenir une place dans la nouvelle grille.
Cette situation soulève de sérieuses interrogations sur l’indépendance idéologique de l’Arcom, qui semble parfois s’éloigner de sa mission fondamentale de garantir le pluralisme médiatique en France. Au lieu de protéger la diversité d’opinion, ses décisions récentes pourraient être perçues comme des manœuvres politiques, portant atteinte à l’équilibre déjà fragile du paysage audiovisuel.
Créée à la suite de la fusion du CSA et de l’HADOPI, l’Arcom dispose d’un budget annuel conséquent de 46,6 millions d’euros (selon le budget 2022). Pourtant, ses résultats, jugés décevants par une part croissante de l’opinion publique, posent la question de la pertinence même de son existence. En l’état, l’Arcom donne davantage l’impression d’une autorité qui amplifie les déséquilibres qu’elle est censée réguler.
5. Matériel pour mieux suivre vos chaînes préférées
Pour profiter pleinement de la TNT, un équipement de qualité est essentiel. Voici quelques produits recommandés pour optimiser votre expérience télévisuelle :
• Décodeur TNT HD Leelbox : un décodeur fiable pour capter toutes les chaînes TNT en haute définition. Voir sur Amazon.
• Antenne intérieure Meliconi AT49 : une antenne discrète et performante pour une réception optimale. Voir sur Amazon.
• Télécommande universelle One For All : parfaite pour contrôler tous vos appareils audiovisuels en un seul clic. Voir sur Amazon.
6. La mesure de l’impact de la renumérotation
La nouvelle numérotation des chaînes TNT soulève des interrogations légitimes. Si elle offre des opportunités pour certaines chaînes publiques et privées, elle pénalise nettement CNews, leader des audiences des chaînes d’information. Derrière des décisions présentées comme purement techniques, l’ombre d’une volonté politique semble planer sur cette réforme.
Le rôle de l’Arcom dans cette redistribution mérite une attention particulière, car le pluralisme médiatique et la libre concurrence sont des piliers fondamentaux de la démocratie.
L’impact de ce rééquilibrage forcé devrait atteindre son pic au moment de l’entrée en vigueur de la renumérotation, avant de refluer progressivement. Cependant, ses effets ne disparaîtront probablement jamais totalement, laissant des avantages structurels potentiellement discutables à certaines chaînes publiques et privées. Cette réforme pourrait bien redessiner durablement les équilibres du paysage audiovisuel français.
7. Points à retenir
• La nouvelle numérotation des chaînes TNT redéfinit le paysage audiovisuel français, avec des conséquences majeures sur les chaînes publiques et privées.
• France Info gagne en visibilité en passant du canal 27 au canal 16, une opportunité stratégique malgré ses faibles audiences.
• France 4 obtient le convoité canal 4, un positionnement difficile à justifier au vu de ses faibles performances historiques.
• CNews, leader des chaînes d’information, est reléguée au canal 14, un emplacement jugé défavorable et susceptible de nuire à son audience.
• LCI bénéficie d’un repositionnement avantageux (canal 15), qui rapproche la chaîne de ses concurrents directs.
• BFM TV conserve sa position stratégique en étant la première chaîne d’information avec le canal 13.
• L’Arcom regroupe les chaînes d’information sur les canaux 13 à 16, mais le déplacement de CNews soulève des interrogations sur les motivations réelles de cette décision.
• La suppression de C8 et NRJ12, associée à l’arrivée de CMI TV et OFTV, alimente les soupçons de parti pris en faveur de chaînes perçues comme proches du pouvoir.
• L’indépendance idéologique de l’Arcom et sa gestion de cette réforme sont remises en question, avec des critiques sur son rôle dans le pluralisme médiatique.
8. Lien utile
• Annonce du groupe RMC BFM reprochant à l’Arcom d’avoir pris une décision arbitraire.