Alors que de plus en plus de préfectures et de communes prennent des arrêtés pour rendre le port du masque de protection obligation sur la voie publique, certains de ces arrêtes sont contestés. Des requêtes sont déposés auprès de tribunaux administratifs pour obtenir en référé la suspension de l’exécution de ces arrêtés.
Les tribunaux administratifs de Pau, Strasbourg et Lyon ont rendu récemment des ordonnances suite à ces requêtes.
Table des matières
1) Les ordonnances rendues par le Tribunal administratif de Pau
Plusieurs requêtes pour obtenir la suspension d’arrêtés qui imposent le port du masque ont été déposées devant le tribunal administratif de Pau : celle concernant l’arrêté pris par la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, celle concernant l’arrêté pris par la préfecture des Landes, celle concernant l’arrêté pris par la marie de Pau.
a) La suspension de l’arrêté pris par la préfecture des Pyrénées-Atlantiques
La préfecture des Pyrénées-Atlantiques a pris un arrêté préfectoral rendant le port d’un masque de protection obligatoire dans des zones délimitées de plusieurs communes du département (1).
Le tribunal administratif a été saisi en référé par un collectif d’habitants de la commune de Pau aux fins d’obtenir la suspension de l’exécution de cet arrêté.
Ceux-ci estiment que le port du masque est constitutif d’une atteinte grave à la liberté d’aller et venir, à la dignité de la personne humaine, au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, et au droit de mener une vie privée normale. Il considère aussi que les mesures prises par cet arrêté causent un préjudice financier aux commerçants et ne sont pas proportionnée à l’objectif de sauvegarde de la santé publique que l’arrêté poursuit.
Par une ordonnance en date du 02 septembre 2020 le tribunal administratif de Pau a ordonné la suspension de cet arrêté préfectoral.
Toutefois le tribunal administratif a fondé sa décision de suspension de l’arrêté en cause uniquement sur l’absence d’avis du directeur général de l’agence régionale de santé et de publication de cet avis. Cette carence est, selon le tribunal, susceptible de caractériser, par l’objet et les effets de la mesure contestée, une atteinte grave et immédiate à la liberté d’aller et venir, justifiant le prononcé à très bref délai de mesures provisoires de sauvegarde, autrement dit de la suspension.
Le tribunal administratif a donc écarté toute atteinte grave et manifestement illégale aux autres libertés fondamentales invoquées par les requérants.
Le tribunal administratif a suspendu provisoirement l’exécution de l’arrêté du préfet, jusqu’à ce qu’il soit justifié de la publication de l’avis du directeur général de l’agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, au vu duquel cet arrêté devait être pris.
Cette suspension n’est pas vraiment une victoire pour les auteurs de la requête. Il ne s’agit en effet que d’une suspension pour un problème de forme qui peut être aisément corrigé.
b) Le rejet de la requête contre l’arrêté de la préfecture des Landes
Par une autre ordonnance en date du 02 septembre 2020 également le tribunal administratif de Pau s’est prononcé sur une requête dirigée contre un arrêté des 14 août 2020 de la préfète des Landes qui rend obligatoire le port du masque de protection lors d’évènements de plein air ainsi que dans les zones de certaines communes caractérisées par une forte fréquentation. Cette requête était aussi dirigée contre un arrêté du 21 août 2020 qui a modifié la liste des zones et communes concernées par ces mesures.
Les auteurs de la requête estimaient que ces deux arrêtés portent atteinte à des libertés fondamentales et demandaient la suspension de l’exécution de ces deux arrêtés.
Toutefois le juge des référés a rejeté cette requête en estimant que la condition d’urgence et que l’obligation du port du masque, aux cas présents, ne peuvent être regardées comme portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.
c) Le rejet de la requête contre l’arrêté de la mairie de Pau
Le tribunal administratif de Pau a rendu une autre ordonnance concernant le port du masque obligatoire. Cette fois-ci la requête en référé-liberté était dirigée à l’encontre d’un arrêté municipal, celui du 19 août 2020 du maire de la commune de Pau.
En effet par cet arrêté du 19 août 2020 le maire de la commune de Pau a rendu obligatoire le port d’un masque de protection dans deux zones particulière du centre-ville de la commune de Pau.
Se prévalant d’une atteinte à des libertés fondamentales, un particulier a demandé au juge des référés du tribunal, par une action en référé-liberté, de suspendre l’exécution de cet arrêté.
Par une ordonnance en date du 25 août 2020 le tribunal administratif de Pau a rejeté cette requête. En effet selon ce tribunal statuant en référé l’obligation de porter un masque de protection dans deux zones du centre-ville ne caractérise pas, par sa nature et ses effets, une contrainte grave qui serait, en elle-même, de nature à créer une situation d’urgence.
Il resterait à connaître l’opinion du tribunal administratif de Pau s’il était saisit par une procédure autre qu’un référé-liberté.
2) L’obligation de modifier l’arrêté pris par la préfecture du Bas-Rhin
Le Préfet du Bas-Rhin a pris un arrêté en date du 28 août 2020 rendant obligatoire, de jour et de nuit, le port du masque dans treize villes du département, dont Strasbourg (1).
Deux praticiens hospitaliers du département du Bas-Rhin ont saisi en référé-liberté le tribunal administratif de Strasbourg aux fins d’obtenir la suspension de cet arrêté.
Dans son ordonnance rendue le 02 septembre 2020 le tribunal administratif estime que cet arrêté constitue une atteinte immédiate à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer.
Toutefois au lieu de prononcer immédiatement la suspension de l’exécution de l’arrêté le tribunal administratif enjoint à la préfecture de revoir sa copie et ce n’est qu’à défaut d’action positive en ce sens que la suspension de l’obligation de porter le masque interviendra.
En effet le tribunal ordonne à la Préfecture du Bas-Rhin d’édicter un nouvel arrêté excluant de l’obligation du port du masque les lieux des communes visées par son arrêté du 28 août 2020 et les périodes horaires qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la propagation de la covid-19.
Ce nouvel arrêté doit être pris au plus tard le lundi 7 septembre 2020 à douze heures. Si ces mesures ne sont pas prises dans ce délai l’exécution de l’arrêté du 28 août 2020 sera automatiquement suspendue à compter de l’expiration de cette échéance.
3) L’obligation de modifier les arrêtés pris par le préfet du Rhône
Le 31 août 2020 le préfet du Rhône a pris deux arrêtés pour imposer le port du masque de protection sur la voie publique, l’un concernant la ville de Lyon et l’autre la ville de Villeurbanne, dans les deux cas pour la période allant du 1er au 15 septembre 2020.
Une association a présenté en référé une requête devant le tribunal administratif de Lyon pour obtenir la suspension de ces deux arrêtés.
Dans son ordonnance en date du 04 septembre 2020 le tribunal administratif de Lyon estime que ces arrêtés portent atteinte à la liberté d’aller et venir et au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle une atteinte grave et manifestement illégale.
Concernant la condition d’urgence le tribunal administratif affirme que les arrêtés attaqués portent une atteinte immédiate à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer sur le territoire des deux communes dans lesquelles il s’applique. Le tribunal poursuit en affirmant qu’il n’apparaît pas qu’un intérêt public suffisant s’attache au maintien de ces arrêtés dans leur intégralité et jusqu’au 15 septembre 2020. La condition d’urgence, qui permet au tribunal de se prononcer, est, ainsi, remplie.
Le tribunal adopte ensuite une solution relativement similaire à celle rendue quelques jours auparavant par le tribunal administratif de Strasbourg.
En effet le tribunal administratif de Lyon enjoint au préfet du Rhône de modifier les arrêtés litigieux ou d’édicter de nouveaux arrêtés, afin d’exclure de l’obligation du port du masque, d’une part, les lieux des communes concernées qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion du virus, d’autre part, les périodes horaires durant lesquelles aucun risque particulier de propagation de ce virus n’existe.
Ces arrêtés devront être pris et publiés au plus tard le mardi 8 septembre 2020 à douze heures. Si le préfet ne prend pas ces mesures avant l’expiration de cette échéance l’exécution des arrêtés du 31 août 2020 sera suspendue automatiquement à compter de cette échéance.
4) D’autres décisions vont intervenir
Les décisions visant à obtenir la suspension des arrêtés imposant le port du masque de protection à l’extérieur devraient se multiplier. En effet l’association Victimes Coronavirus France a annoncé son intention de contester des arrêtés municipaux et préfectoraux qui rendent obligatoire le port du masque de protection à l’extérieur.
Joignant le gestion à la parole cette association vient d’ailleurs de déposer le jeudi 03 septembre 2020 des recours auprès des tribunaux administratifs compétents pour les communes de Marseille, Nice, Lyon et Paris. D’autres recours devaient être déposés le vendredi 04 septembre 2020 à l’encontre d’arrêtés pris par d’autres communes.
5) L’État s’oppose aux suspensions de l’exécution des arrêtés
Les ordonnances rendues par les tribunaux administratifs de Strasbourg et de Lyon sont particulièrement clémentes face à des arrêtés qui imposent de subir des mesures imposant des traitements que l’on pourrait aller jusqu’à qualifier d’inhumains et de dégradants même si la qualification retenue dans ces ordonnances est moins extrême.
En effet dans ces ordonnances les juges au lieu de prononcer immédiatement la suspension de l’exécution des arrêtés laisse aux préfets au délai pour modifier ces arrêtes ou pour en prendre d’autres conformes aux exigences posées par ces juridictions (3).
Toutefois cette mansuétude ne convient pas à l’État. Le samedi 05 septembre 2020 les médias ont en effet révélés que l’État vient de faire appel à l’encontre de ordonnances rendues par les tribunaux administratifs de Strasbourg et de Lyon.
Ces ordonnances en effet contreviennent à la volonté de l’État d’imposer le port du masque de protection à l’extérieur. En plus de ces deux décisions dont l’existence est déjà faucheuse pour lui, l’État craint qu’un effet « boule de neige » se produise avec l’apparition de décisions ultérieures allant dans le même sens. Cette crainte est d’autant plus grande que d’autres décisions sont effectivement attendues.
6) Notes de bas de page
(1) Cet arrêté concerne les communes suivantes : Anglet, Biarritz, Bayonne, Bidart, Ciboure, Espelette, Guéthary, Pau, Oloron-Sainte-Marie, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Jean-Pied-de-Port et Salies-de-Béarn.
(2) Cet arrêté concerne les communes suivantes : Bischheim, Bischwiller, Erstein, Haguenau, Hoenheim, Illkirch-Graffenstaden, Lingolsheim, Obernai, Ostwald, Saverne, Schiltigheim, Sélestat et Strasbourg.
(3) Le cas de l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de Pau qui suspend l’arrêté de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques est un peu à part car la suspension a été prononcé en raison d’un problème de forme qui peut aisément être résolu par la préfecture.
7) Pour aller plus loin
Consultation du communiqué et de l’ordonnance relative à la décision du tribunal administratif de Pau du 02 septembre 2020 ordonnant la suspension de l’arrêté préfectoral pris par le préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Consultation du communiqué et de l’ordonnance relative à la décision du tribunal administratif de Pau du 02 septembre 2020 rejetant la requête dirigée contre les arrêtés des 14 et 21 août 2020 de la préfète des Landes.
Consultation du communiqué et de l’ordonnance relative à la décision du tribunal administratif de Pau du 25 août 2020 rejetant la requête dirigée contre l’arrêté du 19 août 2020 du maire de la commune de Pau.
Consultation de l’ordonnance du 02 septembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg concernant le recours contre l’arrêté préfectoral relatif au port du masque obligatoire à Strasbourg et dans les communes de plus de 10.000 habitants
Consultation du communiqué et de l’ordonnance relative à la décision du tribunal administratif de Lyon du 04 septembre 2020 concernant le recours contre l’arrêté pris par le Préfet du Rhône.
L’express 03/09/2020 : Port du masque à l’extérieur : la fronde d’anciennes victimes du Covid.