Rendu par le Tribunal des conflits le 08 février 1873 l’arrêt Blanco est un arrêt très important en droit administratif. Certaines personnes vont même jusqu’à considérer que cette décision de justice a fondé le droit administratif.
Dans cet arrêt les faits étaient les suivants : un enfant avait été blessé par un wagonnet. Ce wagonnet était poussé par des employés d’une manufacture de tabac exploitée en régie par l’État. Le père de l’enfant a alors engagé une action devant un tribunal civil. Cette action a été engagée sur le fondement des anciens articles 1382 à 1384 du code civil c’est à dire sur le fondement des règles relatives à la responsabilité délictuelle. Le père de l’enfant souhaitait que l’Etat soit déclaré comme étant civilement responsable du dommage causé à son enfant. Estimant que l’action en responsabilité contre l’État relevait de la compétence administrative et non de celle du juge judiciaire le préfet a alors pris un arrêté de conflit
Se posait ainsi clairement plusieurs problèmes juridiques. Il était en effet nécessaire de trancher la question de la juridiction compétente pour connaître de ce litige. Fallait-il reconnaître la compétence de la juridiction judiciaire ou bien celle de la juridiction administrative ? Mais il fallait aussi déterminer si l’État pouvait être responsable pour les dommages causés à des particuliers par des personnes relevant de l’État. De même il était nécessaire de déterminer la nature de règles à appliquer à la responsabilité de l’État.
Afin de trancher ces différents problèmes juridiques le Tribunal des conflits a tout d’abord affirmé que la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier.
Poursuivant son raisonnement le Tribunal des conflits a ensuite affirmé que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue. Elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés.
Enfin le Tribunal des conflits a considéré que l’autorité administrative est seule compétente pour connaître de la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public.
Lorsqu’on analyse l’arrêt Blanco on s’aperçoit que son apport est triple.
Le premier apport de l’arrêt Blanco réside dans la consécration de la responsabilité de l’Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public. Cette consécration met fin à une irresponsabilité de principe qui ne s’effaçait que dans le domaine contractuel ou en présence de règles particulières comme, à titre d’exemple, les dommages de travaux publics.
Le second apport de l’arrêt Blanco réside dans la précision donnée par le Tribunal de conflits selon laquelle cette responsabilité obéit à des règles spéciales qui ne sont pas celles du Code civil.
Le troisième apport de l’arrêt Blanco porte sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître de cette responsabilité. Le Tribunal des conflits affirme qu’il est de la compétence des juridictions administratives de se prononcer sur les actions en responsabilité de l’État. Cette compétence ne relève pas juridiction judiciaire mais uniquement des juridictions administratives.
L’arrêt Blanco est donc indéniablement un arrêt disposant d’une valeur importante. Il s’agit d’ailleurs d’un grand classique en matière de droit administratif. Il est enseigné dans toutes les facultés de droit.
La solution de cet arrêt n’est toutefois plus d’actualité concernant la détermination de la juridiction compétente. Dans ce dossier le dommage a été causé par un wagonnet, autrement dit par un véhicule. Depuis une loi du 31 décembre 1957 les juridictions compétentes pour ce type de dommages sont les juridictions judiciaires. En effet cette loi a donné compétence aux juridictions judiciaires pour les dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque.
Pour aller plus loin :
Consultation de l’arrêt Blanco.
Consultation de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public
Le livre : « Les grands arrêts de la jurisprudence administrative ».
Le livre : « L’essentiel des grands arrêts du droit administratif ».