L’anatocisme, voilà bien un mot qui peut sembler barbare pour une personne non habituée au dialecte juridique ou financier. Ce terme correspond à une capitalisation des intérêts. Selon mon ancestral lexique des termes juridiques ce mot signifie que « les intérêts, intégrés au capital, produisent eux-mêmes des intérêts » (1) et en droit positif l’anatocisme est prévu par l’article 1154 du Code civil qui dispose que « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».
Si l’anatocisme n’est pas rare lors d’un conflit judiciaire, il semble toutefois qu’il n’est pas demandé aussi souvent qu’il le pourrait. Il semble également qu’il n’est pas forcément demandé au moment où il le devrait, étant sujet à des demandes tardives. Lorsque c’est le cas ce retard n’est pas une condition de rejet de la demande d’anatocisme mais il s’avère anormal pour rapport à la défense des intérêts de l’auteur de la demande car il est alors générateur d’un « manque à gagner ».
En effet bien que cela semble rarement étudié par la littérature juridique il faut tenir compte du point de départ du calcul de la capitalisation des intérêts. Pour déterminer ce point de départ il y a lieu de s’en rapporter au contenu de l’article 1154 du Code civil ainsi qu’à la maigre jurisprudence rendue sur ce point particulier.
Ainsi à l’exception du cas où une convention spéciale pourrait être utilement invoquée pour déterminer le point de départ du calcul de la capitalisation des intérêts c’est la date de la demande en justice qu’il faut retenir pour fixer ce point de départ.
Toutefois le texte même de l’article 1154 du Code civil incite à considérer que la demande dont il est question doit viser spécialement l’anatocisme. Ainsi si une action est introduite concernant un litige sans demander expressément la capitalisation des intérêts le point de départ du calcul de cette capitalisation n’est pas constitué. Ce n’est que plus tard lorsqu’une demande ultérieure va viser spécifiquement l’anatocisme que ce point de départ va être fixé. Il est donc de bon ton de viser l’anatocisme dès l’introduction de l’instance, dès lors bien entendu que les autres conditions d’application de l’article 1154 du Code civil sont remplies.
Cette interprétation de l’article 1154 du Code civil est celle que retient la Cour de cassation. En effet selon la première chambre civile « les intérêts échus des capitaux, à défaut de convention spéciale, ne peuvent produire effet que moyennant une demande en justice et à compter de cette seule demande » (2) et la deuxième chambre civile estime que « les intérêts échus des capitaux ne peuvent produire des intérêts qu’à dater de la demande qui en est faite et pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière » (3).
Par ailleurs puisque tant le texte même de l’article 1154 du Code civil que la jurisprudence de la Cour de cassation exigent une demande en justice il est nécessaire de considérer que d’autres événements qui ne répondent pas à cette qualification, tel est notamment le cas d’une mise en demeure, sont inappropriés pour fixer le point de départ du calcul de la capitalisation des intérêts (4).
Notes de bas de page :
(1) R. Guillien et J. Vincent, Termes juridiques, Dalloz, 1995, p.37
(2) Civ. 1, 19 décembre 2000, N° de pourvoi : 98-14.487.
(3) Civ. 2, 3 juillet 1991, N° de pourvoi : 90-14.500.
(4) Com., 9 octobre 2019, N° de pourvoi : 18-11.694.
Pour aller plus loin :
Consultation de l’arrêt : Com., 9 octobre 2019, N° de pourvoi : 18-11.694.