J’envisageais la rédaction d’un article sur la grande distribution lorsque j’ai pris connaissance de la récente affaire du déférencement par Carrefour des produits des marques Pepsico (Pepsi, 7 Up, Quaker, Lipton, Lay’s, Bénénuts, Doritos, Alvalle…), prétendument en raison d’une hausse de prix jugée inacceptable de la part de Pepsico, pour reprendre les termes de plusieurs affiches de Carrefour.
L’idée que Carrefour se présente comme un défenseur des consommateurs me laisse perplexe. Cette entreprise, qui s’est distinguée dans le passé en payant ses salariés en dessous du SMIC, est une entreprise commerciale dont le but est le profit et non la défense des consommateurs. Il est toutefois évident que l’invocation de ce motif permet de se donner à peu de frais une bonne image auprès des consommateurs et même des pouvoirs publics. On peut également noter que la nécessaire confidentialité des négociations commerciales entre Carrefour et Pepsico, probablement prévue contractuellement, semble mise à mal par le comportement de Carrefour, qui ne se gêne pas pour entacher l’image de Pepsico par la rigueur des termes utilisés, notamment dans ses affiches relatives à ce déférencement. Cette violence s’explique peut-être par l’existence de démêlées antérieures entre PepsiCo et Carrefour.
Cependant, il me semble intéressant de dépasser le cadre du dossier Carrefour – PepsiCo pour évoquer plus largement la situation d’ensemble de la grande distribution, et plus précisément les hypermarchés et les supermarchés.
Ces temples de la consommation ont, depuis leur apparition, changé le paysage commercial de notre pays. Destructeurs d’emplois et de commerces concurrents, ils participent activement au développement des zones commerciales qui prolifèrent dans notre contrée et qui défigurent celle-ci.
Certes, les hypermarchés et supermarchés peuvent avoir des avantages : des prix censés être plus accessibles, un gain de temps puisque de nombreux produits sont réunis dans une même surface, une offre diversifiée.
Sur ces points, nous pouvons formuler des remarques qui s’ajoutent aux inconvénients dont nous avons déjà fait état.
Concernant les prix, il est possible, selon les cas, de trouver ailleurs des produits plus avantageux, voire, si ce n’est pas exactement le cas à l’euro près, avec un meilleur rapport qualité-prix. Il est aussi possible de faire jouer la concurrence entre les grandes surfaces, car des variations importantes de prix peuvent exister selon les distributeurs.
En matière de prix, il me semble également important de ne pas réfléchir isolément sur un produit donné mais plutôt globalement sur le panier d’achat. En effet, lorsque des courses sont effectuées dans ces grandes surfaces, il est tentant d’acheter des produits auxquels on n’avait pas initialement pensé. Ainsi, ces produits inutiles par rapport aux souhaits initiaux viennent alourdir la facture et réduire l’intérêt que pourraient avoir certains prix envisagés isolément.
Concernant le gain de temps, il peut s’écrouler lorsque de nombreux consommateurs sont présents, aussi bien lors des trajets pour se rendre, et revenir, des centres commerciaux que dans les grandes surfaces elles-mêmes.
Concernant l’offre diversifiée, cela dépend de chaque grande surface, certaines étant moins bien achalandées que d’autres. Même si l’offre est importante, elle peut s’avérer insuffisante pour certains produits, d’autant que, comme le démontre le dossier Carrefour – PepsiCo, des produits peuvent être déréférencés selon le bon vouloir du distributeur qui, d’ailleurs, peut très bien ne jamais référencer d’autres produits. Un de mes précédents articles sur le marché du livre dans les grandes surfaces avait d’ailleurs pointé du doigt des errements de celles-ci en ce domaine particulier.
Si les hypermarchés et les supermarchés peuvent répondre à certaines demandes, leur prolifération semble excessive et une plus grande rigueur des commissions départementales d’aménagement commercial aurait été souhaitable. Un plus grand équilibre entre ces grandes surfaces et des commerces à taille humaine aurait été plus adéquat, préservant ainsi l’emploi, l’environnement, et l’intérêt des consommateurs.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la grande distribution, je vous suggère les ouvrages suivants :
– Les coulisses de la grande distribution, de Christian Jacquiau, Albin Michel, 2000.
– Viande : Et si vous saviez…: Un boucher de la grande distribution parle, Laurent Richier, VA Editions, 2022.
– 418 milliards: la fraude de la grande distribution avec la complicité des élus et de l’administration, Martine Donnette, Studios Talma, 2021.