Dans un arrêt en date du 18 septembre 2019 la chambre commerciale de la Cour de cassation vient d’affirmer que les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant.
Au cas d’espèce le dirigeant d’une société en nom collectif avait été déclaré coupable de complicité d’abus de biens sociaux commis au préjudice d’une autre société et il avait été condamné à payer à cette dernière une somme d’argent à titre de dommages-intérêts.
Ce dirigeant d’entreprise avait alors soutenu avoir agi au nom et pour le compte de la société dont il assurait la direction et il a assigné celle-ci afin d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a été condamné à verser.
La Cour d’appel de Versailles avait rejeté sa demande aux motifs que si les relations entre une société en nom collectif et son gérant sont de nature contractuelle, cela ne résulte pas de l’existence entre eux d’un contrat de mandat, mais du fait que le gérant, en tant qu’organe social, émane du contrat de société intervenu entre les différents associés. La Cour d’appel avait ajouté que pour tout ce que ne prévoient pas les statuts de la société, les relations entre cet organe social et la société sont régies par les dispositions pertinentes du code de commerce et par le droit commun des contrats. La Cour d’appel avait en conséquence précisé que les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer. La Cour d’appel avait également estimé qu’il n’existe aucun mandat entre le gérant d’une société en nom collectif et ses associés dès lors que le gérant ne représente pas les associés mais la société et que l’existence d’un tel mandat créerait une dyarchie incompatible avec l’intérêt social. La Cour d’appel en avait ainsi conclu que les articles 1984 et suivants du code civil ne pouvait s’appliquer au mandataire social. Dès lors elle avait rejeté la demande de ce dirigeant.
Celui-ci s’est pourvu en cassation en fondant son pourvoi sur trois moyens, dont un seul intéresse le présent commentaire puisqu’il s’agit de celui qui est relatif aux articles 1984 et suivants du code civil. Seul ce moyen est donc traité par la suite.
Selon ce moyen le dirigeant est le mandataire de la société dont il est l’organe. Le moyen se poursuit en exposant qu’en jugeant que les relations entre une société en nom collectif et son gérant ne résultaient pas d’un contrat de mandat au sens de l’article 1984 du code civil, la cour d’appel aurait violé ce texte.
Tel n’est pas l’opinion de la Cour de cassation. En effet celle-ci estime que ce moyen n’est pas fondé. Pour elle la Cour d’appel a jugé à bon droit en affirmant que les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant après avoir énoncé que le dirigeant social d’une société détient un pouvoir de représentation de la société, d’origine légale.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation précise ainsi clairement que les règles spécifiques au mandat prévues par les articles 1984 et suivants du code civil ne s’appliquent pas au mandataire social. Le mandat social est donc un régime autonome régit, pour les sociétés commerciales, par les dispositions du code du commerce et par le droit commun des contrats, ainsi que par les dispositions spécifiques des statuts de la société en cause. Bien que cet arrêt a été rendu au sujet d’une société en nom collectif la formulation retenue par la Cour de cassation indique que cette solution ne s’applique pas uniquement aux sociétés en nom collectif et s’étend à l’ensemble des sociétés commerciales.
Pour aller plus loin :
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 septembre 2019, N° de Pourvoi : 16-26.962. Accès au texte de l’arrêt.
ECLI:FR:CCASS:2019:CO00659
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles du 22 septembre 2016
Consultation de l’article 1984 du code civil.