La récente affaire Lorraine Airport nous permet de faire un point historique et actuel sur l’usage du français.
Avec la conquête de la gaule par Rome, l’usage du gaulois disparaît au profit du latin. Pendant le moyen age l’usage du latin périclite au point de se cantonner au clergé et à l’administration. Il est remplacé par le français, qui est parlé dans le bassin parisien et le Val-de-Loire, et par plusieurs langues régionales.
A partir de la renaissance sous l’impulsion des souverains le français s’impose comme langue administrative. Entre le 10 et le 25 août 1539, François Ier signe une ordonnance dite ordonnance de Villers-Cotterêts, également appelée ordonnance Guillemine, par laquelle le français devient la langue officielle pour les actes relatifs à la justice et l’administration au détriment du latin. En réalité il y a eu des divergences d’interprétation concernant cette ordonnance qui stricto sensus ne semblait concerner que les actes relatifs à la justice sans exclure pour autant même concernant celle-ci l’usage d’autres langues. En ce sens à Toulouse le latin fut remplacé par l’occitan et non par le français. Mais une interprétation plus généreuse de l’ordonnance considérait que le français devait s’appliquer non seulement aux actes relatifs à la justice mais également aux actes administratifs et diverses provinces se sont ralliées à cette interprétation. Les articles en cause de cette ordonnance sont les articles 110 et 111. Toujours de droit positif ils constitueraient les plus anciens textes normatifs encore en vigueur à ce jour.
Le contenu de ces articles est le suivant, en français d’aujourd’hui.
– article 110 : « Que les arrêts soient clairs et compréhensibles, et afin qu’il n’y ait pas de raison de douter sur le sens de ces arrêts, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement qu’il ne puisse y avoir aucune ambiguïté ou incertitude, ni de raison d’en demander une explication ».
– article 111 : « De prononcer et rédiger tous les actes en langue française. Et parce que de telles choses sont arrivées très souvent, à propos de la mauvaise compréhension des mots latins utilisés dans lesdits arrêts, nous voulons que dorénavant tous les arrêts ainsi que toutes autres procédures, que ce soit de nos cours souveraines ou autres subalternes et inférieures, ou que ce soit sur les registres, enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice qui en dépendent, soient prononcés, publiés et notifiés aux parties en langue maternelle française, et pas autrement ».
Ce n’est toutefois que pendant la moitié du XIXème siècle que le français va être parlé par l’ensemble de la population.
Après avoir rayonné internationalement le français a perdu de sa superbe sur la scène mondiale et à été supplanté par l’anglais. Bien que l’article 2 de la constitution de la Vème république précise que « La langue de la République est le français » il est apparu nécessaire de protéger l’usage du français jusque sur le sol de notre territoire. C’est principalement à la loi du 4 août 1994 dite Loi Toubon qu’échoit le soin d’apporter cette protection, même si d’autres textes vont également en ce sens.
Malgré cette protection le français est régulièrement attaqué. Ainsi dans le monde de l’entreprise l’usage de l’anglais est de plus en plus fréquent, y compris dans des réunions ou dans des échanges électroniques impliquant uniquement des français. Une variante à ce comportement consiste à utiliser dans une phrase des mots français ainsi que des mots anglais.
Un exemple récent de l’attaque du français par d’autres langues concerne l’affaire Lorraine Airport, évoquée au début de ce texte. En 2015 l’aéroport Metz-Nancy-Lorraine avait changé sa dénomination pour adopter celle de Lorraine Airport, plus porteur à l’international (l’aéroport dessert notamment Alger, Casablanca, Constantine, Oran). Sur le fondement de la loi Toubon, l’association Francophonie Avenir a demandé à l’aéroport de changer sa dénomination pour adopter la suivante : Lorraine Aéroport. Suite au refus de l’aéroport les juridictions ont été saisies et finalement le 14 décembre 2023 le tribunal judiciaire de Metz a accueilli favorablement la demande de l’association.