Selon une étude du Syndicat national de l’édition, reprenant des chiffres publiés par le ministère de la Culture, le marché du livre neuf présente, pour l’année 2022, les circuits de commercialisation suivants concernant les ventes au détail :
– 27,7 % de parts de marché pour les grandes surfaces spécialisées telles que la Fnac, Cultura, Les Espaces Culturels E. Leclerc, etc.,
– 22,9 % de parts de marché pour les librairies,
– 21,9 % pour les sites internet marchands et les librairies en ligne, comme Amazon ou Fnac.com,
– 18,7 % pour les hypermarchés, les supermarchés et les grandes surfaces alimentaires,
– 5,4 % pour les ventes faites en d’autres lieux, comme des salons, des soldeurs, des commerces non spécialisés dans le livre,
et enfin 3,2 % pour les ventes par correspondance, le courtage et les clubs de livres.
Une étude publiée par le site xerfi.com nous apprend, pour l’année 2022 également, que les librairies, en particulier les plus petites, et les grandes surfaces alimentaires cèdent régulièrement du terrain aux grandes surfaces culturelles et aux cybermarchands. La Fnac demeure le premier libraire de France, mais se trouve toujours sous la menace du géant américain de l’e-commerce Amazon. Viennent ensuite les Espaces Culturels E.Leclerc et Cultura, qui conduisent une politique active en faveur du livre dans leurs points de vente.
Alors qu’Amazon est souvent montré du doigt comme étant la cause des difficultés financières que peuvent rencontrer certaines librairies, je souhaite aller à contre-courant en tenant des propos non pas contre cette société, mais contre les grandes surfaces alimentaires.
Les hypermarchés et les supermarchés sont destructeurs d’emplois, et l’effort incessant porté sur l’automatisation ou sur l’accomplissement par les clients de tâches antérieurement faites par une partie du personnel, notamment aux caisses en libre-service, ne va pas dans un sens contraire.
La grande distribution détruit non seulement des emplois, mais de façon encore plus évidente des commerces concurrents. Dès lors que des hypermarchés et des supermarchés vendent des livres, leurs concurrents que sont les librairies peuvent être mis en difficulté. J’ai personnellement constaté que plusieurs centres commerciaux comportaient des librairies indépendantes. Ces librairies ont disparu suite à l’ouverture d’un rayon librairie par les grandes surfaces alimentaires situées dans ces centres commerciaux.
La vente de livres par la grande distribution présente un autre inconvénient qui réside dans l’uniformisation de l’offre. Si certaines enseignes font des efforts pour présenter une offre diversifiée, d’autres se limitent aux sorties essentielles du moment, voire présentent des rayons alimentés en dépit du bon sens. Ainsi, dans le rayon des thrillers, je n’ai jamais constaté dans un hyper ou un supermarché la présence d’un ouvrage de James Patterson, pourtant il s’agit de l’auteur qui vend le plus de livres au monde dans cette thématique. De même, certaines grandes surfaces ne comportent pas dans leur rayon librairie les grands auteurs classiques français, ceux-ci étant délaissés au profit des derniers auteurs à la mode. Même si certaines enseignes font plus d’efforts, cette uniformisation de l’offre ne peut qu’encourager à faire ses achats de livres dans un secteur concurrent.
En effet, l’uniformisation de l’offre de livres résultant de choix faits par le secteur de la grande distribution est dangereuse. Alors que la grande distribution se vante de permettre d’accéder facilement aux livres, c’est en réalité le contraire qui s’applique, puisque la grande distribution limite l’accès aux « autres livres », à ceux qui ne sont pas référencés par ses soins. Les lecteurs dont les achats de livres seraient limités à ceux exposés dans les rayons des grandes surfaces vont donc avoir un accès partiel à la culture et vont développer une intelligence modérée par manque de données diversifiées. On peut même estimer que dans notre pays, certains propos ou idées étant désormais quasiment interdits, la non-mise en rayon de livres contenant ces propos ou idées participe à la mainmise de la « bien-pensance » sur les individus et au contrôle souhaité par les tenants de cette idéologie néfaste.