Haro sur le télétravail : analyse juridique et sociétale

Le télétravail, autrefois perçu comme une solution novatrice, a radicalement transformé notre façon de travailler. Alors que des millions de travailleurs ont troqué leurs bureaux pour le confort de leur maison pendant la pandémie de Covid-19, la question se pose aujourd’hui : ce modèle de travail flexible est-il en danger ?

Des millions de travailleurs ont troqué leurs bureaux pour le confort de leur maison, et cette nouvelle manière de travailler était annoncée comme prometteuse tant pour les employés que pour les employeurs.

Cependant, trois ans après le début de cette révolution, les entreprises reconsidèrent cette approche. Avec des géants comme Amazon qui sonnent la charge pour un retour aux bureaux, la question des implications juridiques et des droits des employés devient cruciale.

1. L’évolution du télétravail

La généralisation du télétravail a permis aux entreprises de réaliser d’importantes économies, en réduisant leurs besoins en espace de bureau, permettant ainsi de limiter les dépenses relatives aux loyers et au mobilier de bureau. De nombreuses entreprises ont mis en place des systèmes flexibles permettant aux employés de jongler entre leurs tâches professionnelles et leurs responsabilités personnelles. Toutefois, ces arrangements n’ont pas toujours été exempts d’abus. Des travailleurs ont été surpris à profiter de leurs journées de télétravail pour des activités qui n’avaient rien à voir avec leurs obligations professionnelles.

Par exemple, certaines mamans ont été vues amenant leurs enfants à des activités sportives tout en gardant leur ordinateur portable à portée de main, prétendant être « disponibles » sur des plateformes de communication comme Teams. D’autres ont utilisé leurs jours de télétravail pour voyager, travaillant depuis le train ou se reposant discrètement. Ces abus ont conduit à une remise en question du télétravail, incitant de nombreuses entreprises à envisager des retours au bureau.

2. Aspects juridiques relatifs à la volonté de mettre fin au télétravail

Avec le retour au travail en présentiel, des questions juridiques se posent. Les employeurs peuvent-ils modifier unilatéralement les modalités de télétravail ? Que dit la loi à ce sujet ? En général, les règles relatives au télétravail sont souvent régies par des accords collectifs ou des clauses spécifiques dans les contrats de travail.

a. Les accords collectifs : Dans de nombreux cas, le télétravail est encadré par un accord collectif, ce qui signifie que toute modification doit être discutée avec les représentants des employés, même en cas de dénonciation. Un accord peut prévoir des dispositions pour la réversibilité, permettant à l’employeur de revenir sur les jours de télétravail, mais cela doit se faire dans le cadre prévu par l’accord.

b. Clause unilatérale dans le contrat de travail : Cette situation est la plus protectrice pour les salariés, car une modification du contrat de travail suppose l’accord des deux parties.

c. Une charte : Certaines entreprises adoptent une charte unilatérale sur le télétravail, dont la dénonciation est plus simple que pour un accord collectif, même si un préavis doit être respecté.

d. La prise en considération de la vie personnelle et familiale : Si un employé a adapté sa vie autour du télétravail, le retrait de ce droit pourrait être jugé comme une atteinte à sa vie personnelle. Les juridictions prennent en compte la situation personnelle et familiale des employés, ce qui complique la tâche des employeurs souhaitant réduire le télétravail, réduisant ainsi leur marge de manœuvre.

3. Des conséquences inattendues du télétravail

Le télétravail s’est installé dans les mœurs des salariés. Revenir sur cette situation peut provoquer du mécontentement parmi le personnel, qui peut estimer bénéficier d’un droit acquis. Cela peut remettre en cause la confiance des employés envers l’entreprise et leur volonté de poursuivre leur aventure professionnelle au sein de celle-ci. Alors que certaines entreprises reviennent sur le télétravail, elles s’exposent au risque de perdre un avantage pour les salariés, qui pourraient envisager de se tourner vers d’autres employeurs maintenant des journées de télétravail.

4. Les répercussions écologiques et sociétales

À l’heure où les voitures individuelles sont de plus en plus décriées, notamment à travers des politiques de restriction et d’augmentation des malus écologiques, le télétravail représente une alternative pour réduire les déplacements. La fin du télétravail s’inscrit à contre-courant de cette volonté affichée de limiter les déplacements individuels. Alors que de nombreuses initiatives visent à encourager des modes de transport plus durables, la suppression du télétravail pourrait intensifier les trajets quotidiens, nuisant ainsi aux efforts de réduction des émissions de carbone.

5. Des entreprises éloignées des considérations humaines

Porté aux nues pendant un temps, le télétravail est maintenant descendu en flamme, traduisant une versatilité d’entreprises incapables d’avoir sur ce point une approche raisonnée. En incitant de toute force les salariés à télétravailler, puis en revenant sur cette décision avec la même dureté extrême, les entreprises envoient des signaux divergents traduisant un fonctionnement schizophrène et une mauvaise considération du personnel.

Nous regrettons que la presse, d’une façon générale, se contente de relater les évolutions relatives au télétravail sans prendre en considération les salariés, traités comme des variables d’ajustement dans des bilans comptables.

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