De l’iPhone Mirroring au télétravail : aspects juridiques

Les nouvelles technologies continuent de transformer notre manière de travailler. Parmi elles, la récente fonctionnalité iPhone Mirroring, non disponible en France pour l’instant, permettant aux utilisateurs de projeter l’écran de leur iPhone sur un Mac. Bien que cela puisse sembler pratique pour des réunions ou des présentations, cette technologie pose des questions juridiques importantes, notamment en matière de protection de la vie privée et du droit à l’image des salariés.

iPhone Mirroring : avantages et risques

Présentée cet été lors de la WWDC 2024, l’iPhone Mirroring est une fonction qui permet de dupliquer l’écran d’un iPhone sur un Mac. L’usage de la souris permet de contrôler aisément l’iPhone depuis l’ordinateur et des transferts de fichiers peuvent se faire d’un simple glisser-déposer, tandis que les notifications de l’iPhone sont affichés comme celle du Mac. Cette fonctionnalité facilite les partages d’informations en temps réel et vise à permettre un gain de productivité. Les entreprises utilisent de plus en plus cette technologie dans des environnements professionnels.

Cependant, cette fonctionnalité soulève plusieurs problèmes juridiques.

Tout d’abord, l’usage de cette technologie expose directement l’environnement de travail et les informations privées visibles sur l’écran du téléphone, qui peuvent inclure des données personnelles ou confidentielles. L’affichage de messages privés, de contacts ou d’applications personnelles pourrait entraîner une violation des droits à la vie privée des utilisateurs.

La société de cybersécurité Sevco a par ailleurs constaté qu’avec l’usage de la fonction iPhone Mirroring le Mac assimile les applications de l’iPhone à ses propres applications. Cette société indique qu’en cas d’un audit automatique pour vérifier si toutes les applications installées sur le Mac ont une licence, la liste des applications de l’iPhone serait divulguée, ce qui, là aussi, pose des difficultés relatives à la vie privée de l’utilisateur de l’iPhone. Concernant ce dernier point il s’agirait d’un bug qui ne permettrait pas de voir le contenu de chaque application, mais des métadonnées seraient accessibles, comme en particulier le nom de l’application et ses dates d’installation et de dernière utilisation. Apple est en train de travailler sur un correctif pour mettre fin à ce bug.

Les nouvelles technologies posent des difficultés juridiques dans le monde du travail

L’iPhone Mirroring n’est qu’un exemple récent d’un phénomène plus vaste relatif aux difficultés juridiques que posent l’introduction de nouvelles technologies dans le monde du travail. Ces nouvelles technologies sont bien souvent introduites sans réflexion préalable alors qu’elles peuvent comporter d’importants risques d’atteinte au droit à la vie privée et à droit à l’image sous des formes qui n’existaient pas auparavant. Ces droits peuvent être négligés par des employeurs et les travailleurs sont souvent encouragés, voire contraints, à utiliser des outils qui diffusent leur image et leurs données personnelles.

Le droit à l’image en visioconférence

La visioconférence est désormais un outil incontournable dans de nombreuses entreprises, particulièrement avec l’essor du télétravail. Or, le salarié bénéficie d’un droit à l’image, un droit fondamental qui protège sa représentation visuelle. Toutefois, dans la réalité professionnelle, de nombreux employeurs insistent pour que les salariés apparaissent à l’écran lors de réunions en ligne, créant ainsi un conflit entre la protection de la vie privée et les attentes de l’entreprise. Certains salariés peuvent se sentir contraints de divulguer leur image, même s’ils préfèreraient l’éviter.

Ce droit à l’image est reconnu comme un droit de la personnalité. En refusant de diffuser leur image, les salariés exercent un choix légitime, mais cette décision peut parfois être mal perçue par certains employeurs qui y voient un manque d’engagement ou de transparence. Des employeurs peuvent mettre en avant une signature antérieure d’une autorisation du salarié concernant son droit à l’image, toutefois il est souvent oublié que cette autorisation peut être révoquée à tout moment par le salarié et le contenu exact de l’autorisation devrait être, en outre, vérifié. Il existe ainsi dans certaines entreprises un rapport de force pour contraindre, de façon suggestive voire impérative, des salariés à diffuser leur image, même s’ils ne le souhaitent pas.

Or rappelons que le droit à l’image découle du droit au respect de la vie privée prévu par l’article 9 du code civil qui dispose que chacun a droit au respect de sa vie privé.

De même il résulte de l’article L. 1121-1 du Code du travail qu’il ne peut pas être apporté aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Egalement il est nécessaire de tenir compte de l’article 5-1.c du règlement général de protection des données (RGPD) duquel il résulte que les données traitées doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées. A ces textes nous pouvons ajouter l’article 8.1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales qui prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Ainsi, selon l’ensemble de ce texte, le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image sont des droits qu’il est nécessaire de respecter, et les salariés peuvent être fermes quant à leur protection, même si en pratique, nous ne doutons pas qu’un refus d’assouplissement du salarié peut rendre ses relations avec son employeur plus délicates.

Le télétravail et le problème de l’environnement familial

Le télétravail apporte lui aussi des nouvelles difficultés concernant le droit à la vie privée et le droit à l’image. Lorsque les employés participent à des réunions en visioconférence ou utilisent des applications permettant un entretien visuel avec un interlocuteur pour un motif professionnel, leur environnement domestique peut être visible à l’écran. Cela signifie que leur domicile, ainsi que des éléments de leur vie privée comme leurs enfants ou leur conjoint, peuvent être exposés aux yeux de leurs collègues ou supérieurs, voire de personnes extérieures à l’entreprise, comme un fournisseur ou un partenaire contractuel.

La situation devient ainsi encore plus complexe puisqu’elle fait intervenir le domicile du salarié et surtout d’autres personnes pour lesquelles il ne peut être question de bénéficier d’une quelconque autorisation relative au droit à l’image.

Si techniquement une possibilité d’occulter l’image du domicile et des tiers peut résider dans l’utilisation d’une fonctionnalité de floutage de l’arrière plan, demeure l’obligation de respecter la volonté du salarié concernant sa propre image.

L’usage de la technologie doit respecter les salariés

L’évolution technologique apporte avec elle de nombreux avantages, notamment en termes de productivité et de flexibilité. Cependant, elle ne doit pas se faire au détriment des droits des salariés. L’utilisation de technologies comme l’iPhone Mirroring et la visioconférence pose des questions essentielles en matière de protection de la vie privée et du droit à l’image. Les entreprises devraient veiller à respecter scrupuleusement les droits de leurs salariés.

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Source 2.