(Cet article constitue la première partie d’un article dont le titre entier s’intitule : « Le juge et la recherche de la vérité en droit anglais et en droit français ». En raison de la taille importante de l’article initial nous avons décidé de procéder à une publication en deux parties.)
(Nous précisons également que nous avions publié initialement l’article intégral sur un autre support, aujourd’hui disparu. Ceci pourrait expliquer un éventuel anachronisme).
Nous avons essayé d’établir antérieurement que la fonction juridictionnelle repose sur des éléments que nous avons dénommé préceptes (1). A aucun moment nous n’avons considéré que ces préceptes doivent se limiter aux juridictions françaises. Ils ont une vocation universelle.
Pour démontrer cet aspects des préceptes de la fonction juridictionnelle, il est adéquat de s’interroger sur l’évolution d’une procédure traditionnellement très éloignée de son homologue française : la procédure anglaise.
Il est en effet difficile de nier qu’il existe un profond contraste entre le pouvoir reconnu au juge en droit français et en droit anglais. L’étude des juridictions répressives est sur ce point très significative. Lors de l’enquête préliminaire (2), committal proceedings, le juge répressif anglais doit déterminer si les charges invoquées contre l’accusé sont fondées, en tenant compte uniquement des éléments apportés par les parties.
Cette situation tranche avec les nombreuses mesures pouvant être ordonnées par les juridictions d’instruction françaises. Comme le remarque M. R. Munday, “ces committal proceedings ne ressemblent plus du tout à une enquête judiciaire et, au risque de souligner ce qui était déjà évident, cette procédure n’a presque rien à voir avec l’enquête menée par le juge d’instruction en France”(3).
C’est un constat similaire qui peut être opéré à l’encontre des juridictions répressives de jugement.
Alors que les juridictions répressives de jugement françaises dirigent les débats, interrogent l’accusé, désignent les témoins et les questionnent ellesmêmes, les parties ne pouvant poser leurs propres questions que par l’intermédiaire du juge, la situation devant les Magistrates’ Court et la Crown Court est totalement inversée.
Le juge ne dispose pas de la direction des débats, laquelle est dévolue aux parties. Ces dernières désignent les témoins et les questionnent directement à l’audience en utilisant la technique de la cross-examination. Le juge peut néanmoins appeler un témoin à l’audience, ou rappeler un témoin ayant déjà déposé, mais cette prérogative est tellement étrangère à la philosophie procédurale anglaise que le juge “exerce cette faculté rarement” (4).
Il est dès lors très logique que, a l’instar des juridictions répressives, le juge civil anglais ne dispose quasiment d’aucune initiative en matière probatoire. Il ne peut se prononcer qu’à partir des preuves administrées par les parties et lorsqu’il désire convoquer un témoin de son choix il doit obtenir l’accord des parties. Comme précédemment celles-ci interrogent les témoins par la cross-examination, le juge ne pouvant interposer ses propres questions que pour clarifier une réponse déjà donnée.
Lire la seconde partie de l’article.
Notes de bas de page
(1) Réservé.
(2) Cette enquête doit être menée par les Magistrates’ Courts lorsqu’un accusé est inculpé d’une infraction relevant de la compétence de la Crown Court.
(3) R. Munday, Procédure pénale, in J.A. Jolowicz, Droit Anglais, 2ème éd., Dalloz, 1992, n° 488.
(4) Ibid.