Les parents séparés ou divorcés doivent être vigilants face à une récente évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui modifie la manière dont l’article 1242, alinéa 4, du code civil sur la responsabilité parentale est interprété. Ce revirement de jurisprudence a des conséquences importantes sur la responsabilité des parents séparés, y compris au point de vue financier.
Table des matières
1. Contexte et évolution de la jurisprudence
Par un arrêt rendu le 28 juin 2024, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence majeur en matière de responsabilité parentale. Jusqu’à cette date, la responsabilité des parents divorcés ou séparés était interprétée d’une manière restrictive : seul le parent chez qui l’enfant résidait habituellement au moment des faits était considéré comme responsable des dommages causés par ce dernier. Cette approche se basait sur une lecture stricte de l’article 1242 du Code civil, qui dispose que les parents sont responsables des actes de leurs enfants mineurs « habitant avec eux ».
Cependant, la Cour de cassation a désormais modifié son interprétation en assouplissant cette exigence d’habitation commune entre les enfants mineurs et les parents. Dans cette décision de justice, la Cour de cassation pose en principe que dorénavant, les deux parents qui exercent l’autorité parentale, même ceux bénéficiant uniquement d’un droit de visite et d’hébergement, sont solidairement responsables des dommages causés par leur enfant mineur, tant que celui-ci n’est pas confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.
2. Ce que cette nouvelle interprétation implique pour les parents séparés
Auparavant, le parent chez qui l’enfant ne résidait pas de manière habituelle, mais qui disposait d’un simple droit de visite ou d’hébergement, n’était pas tenu de réparer les dommages causés par cet enfant. Par exemple, si un adolescent vivant principalement chez sa mère causait un accident ou des dégâts matériels, seule la mère pouvait être poursuivie en justice pour répondre de ces actes. Cela n’est plus le cas.
Avec la nouvelle interprétation de la Cour de cassation, les deux parents sont responsables dès lors qu’ils exercent conjointement l’autorité parentale. Peu importe que l’enfant réside principalement chez un seul des parents. Prenons un exemple pratique : un enfant qui vit principalement chez son père cause des dommages matériels pendant un week-end chez sa mère. Désormais, la mère pourra aussi être tenue pour responsable, même si l’enfant ne vit pas principalement chez elle.
3. Répercussions financières pour les familles
Cette interprétation étendue de la responsabilité parentale peut entraîner des répercussions financières non négligeables. Désormais, en cas de dommages causés par un enfant mineur, les deux parents devront contribuer solidairement à l’indemnisation des victimes.
Cette charge financière pesant sur les parents peut se déplacer sur les assurances. Ainsi si un parent, souvent celui chez qui l’enfant réside principalement, présente une couverture d’assurance insuffisante, la victime peut se retourner contre l’autre parent et son assureur.
Par exemple, imaginons qu’un enfant vivant principalement chez son père cause des dommages matériels importants pendant une activité extérieure. Dans le cadre de l’ancienne interprétation, si on raisonne uniquement sur les assurances, seule l’assurance du père aurait été mobilisée. Désormais, l’assurance de la mère peut également être impliquée. Cette évolution est particulièrement importante dans les cas où les plafonds d’indemnisation de l’assurance du premier parent ne suffisent pas à couvrir la totalité des dégâts, ce qui était le cas en l’espèce.
4. Que doivent faire les parents divorcés ou séparés ?
Cette interprétation par la Cour de cassation impose aux parents divorcés ou séparés d’adopter certaines mesures préventives :
a. Vérifiez les contrats d’assurance : Il est essentiel de s’assurer que la couverture d’assurance responsabilité civile est suffisante. Les parents, même séparés, partagent désormais la responsabilité des actes de leurs enfants. Un examen approfondi de votre assurance est recommandé pour éviter tout litige financier en cas de sinistre.
b. Maintenez une communication ouverte avec l’autre parent : Dans un contexte de parentalité, où les décisions importantes concernant l’enfant sont partagées, il est crucial de maintenir une bonne communication avec l’autre parent. Les deux parents doivent comprendre que cette nouvelle responsabilité peut les impliquer juridiquement, même lorsque l’enfant est sous la garde de l’autre parent.
c. Anticipez lors des procédures de divorce : Pour les couples en cours de séparation, cette évolution jurisprudentielle doit être prise en compte dans les accords de divorce, notamment en matière de garde et d’assurance.
5. À retenir
Le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation introduit une nouvelle interprétation de la responsabilité parentale pour les parents séparés ou divorcés. Désormais, les deux parents, même celui n’ayant qu’un droit de visite ou d’hébergement, sont responsables des actes de leur enfant, y compris financièrement. Cette décision impose aux parents d’adapter leurs assurances et de bien comprendre les implications financières de cette responsabilité. En prenant des mesures préventives, les parents peuvent mieux se préparer à gérer cette nouvelle réalité juridique.
Source : Cour de cassation, Assemblée plénière, 28 juin 2024, 22-84.760.