Dans son ultime livre intitulé « Décadanse » Patrick Buisson consacrait plusieurs paragraphes à la notion de solidarité, qu’il estimait comme étant en péril. La solidarité envisagée dans ces paragraphes était principalement entendue comme étant une solidarité familiale, même si l’auteur consacrait quelques lignes de façon plus accessoire à l’entraide dans les villages et les quartiers.
Patrick Buisson ouvrit ces paragraphes par les termes « tout dans la modernité se mit, vers le mitan du XXe siècle, à converger vers la liquidation du monde ancien », liquidation qui englobait la notion de solidarité, celle-ci étant considérée comme appartenant au monde ancien. Il notait que dans les années 70 la solidarité familiale persistait et illustrait cette persistance par une résistance à la mobilité géographique. Ainsi il faisait état de « la priorité accordée à l’environnement familial et la résistance des catégories populaires aux appels à la mobilité géographique qui se multiplient alors de la part du patronat et de ses relais gouvernementaux pour inciter les jeunes travailleurs à suivre les déplacements des investissements en allant s’installer dans les nouveaux bassins d’emplois ». Toutefois, cette solidarité a commencé à s’estomper avec l’ascension sociale des classes moyennes et supérieures, qui ont embrassé la mobilité professionnelle.
Patrick Buisson, à travers ses observations sur la solidarité familiale et la résistance à la mobilité géographique, a mis en lumière un aspect crucial de notre société contemporaine. En effet, les pratiques des entreprises favorisant la mobilité professionnelle ont un impact direct sur la solidarité au sein des familles. En déracinant les salariés de leur environnement familial et social, ces politiques limitent non seulement leur interaction avec leurs proches, mais également l’aide qu’ils peuvent apporter et le soutien qu’ils peuvent recevoir d’eux. Ainsi, le choix entre mobilité professionnelle et solidarité familiale devient de plus en plus prégnant pour de nombreux individus, confrontés à la nécessité de concilier leur carrière avec leurs obligations et leurs liens affectifs. Cette tension entre exigences professionnelles et besoins familiaux soulève des questions fondamentales sur les valeurs que nous souhaitons promouvoir dans notre société et les compromis que nous sommes prêts à faire pour les préserver.