Les juristes ne doivent pas se contenter de lire des ouvrages relatifs au droit positif. Il est aussi instructif pour eux de prendre connaissance de livres plus anciens. Nous vous proposons de lire des ouvrages de trois auteurs importants. Selon le cas ces livres portent sur la criminologie, sur la philosophie du droit, voire sur le droit constitutionnel.
Le premier auteur que nous souhaitons présenter est Cesare Lombroso. Ce professeur italien de médecine légale a été un des fondateurs de l’école italienne de criminologie. Il est d’ailleurs connu dans le domaine de la criminologie pour avoir la paternité du livre intitulé « l’homme criminel ».
Dans ce livre Lombroso fait un lien entre l’aspect physique et la délinquance. Pour lui des gens qui présentent certaines caractéristiques physiques vont se nécessairement se diriger vers la délinquance. Ce sont des délinquants nés et même des criminels nés. Il va jusqu’à estimer que chaque type de caractéristique physique entraîne la personne vers une délinquance particulière.
Ainsi, selon lui, les causes de la délinquance ne sont pas sociologiques. Elles sont innées. Cette approche a été nettement contestée par la suite. De nos jours on considère dans une très large majorité que ce sont des données sociologiques qui expliquent la délinquance. Pourtant lorsqu’on s’intéresse aux affaires criminelles on peut se demander, n’en déplaise aux tenants de l’opinion dominante, si un caractère inné ne serait pas présent chez certaines personnes.
Par ailleurs on ne peut pas exclure des aspects physiques lorsqu’on envisage la criminologie. Il est en effet possible de prendre en considération la façon dont une personne va se vêtir ainsi que l’allure générale qu’elle adopte. Ces éléments peuvent révéler une volonté de se conformer à des codes particuliers. Or ses codes peuvent révéler la volonté de cette personne de commettre des actes de délinquance, s’ils n’ont pas déjà été commis. Certains diront que de tels aspects physiques s’expliquent par des raisons sociologiques. Mais il pourraient aussi fort bien avoir un caractère inné.
Le second auteur que nous souhaitons présenter est plus connu puisqu’il s’agit de Montesquieu. Nous désirons plus particulièrement évoquer son ouvrage intitulé « De l’esprit des lois ». Ce livre, même s’il aborde des domaines bien plus vastes, doit surtout sa notoriété à la théorie qu’il contient relative à la séparation des pouvoirs.
Dans ce livre Montesquieu explique que comme en Angleterre pour préserver la liberté il faut séparer les trois pouvoirs que sont le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Cette séparation ne doit pas nécessairement être stricte. Elle doit aboutir à un équilibre des pouvoirs. Elle permettrait ainsi d’assurer la liberté et de lutter contre la tyrannie et l’autoritarisme.
La théorie de la séparation des pouvoirs est très importante dans les sociétés actuelles. En France elle est enseignée en faculté de droit de façon systématique dès la première année, dans le cadre de l’enseignement relatif au droit constitutionnel.
Cette théorie très séduisante à laquelle la plupart des enseignants et des constitutionnalistes vouent un véritable culte est malgré tout battue en brèche par la réalité. En effet lorsque le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ont la même couleur politique et qu’il en va également de même (1) du pouvoir judiciaire (2) la séparation des pouvoirs n’est qu’une vue de l’esprit bien naïve.
En réalité ce qui compte ce n’est pas nécessairement la séparation des pouvoirs. Ce qui est important c’est la façon dont se comporte le pouvoir envers ses concitoyens.
Dans ces conditions si on prend l’exemple français il est possible de considérer que nous sommes actuellement face à un pouvoir autoritaire, voire tyrannique. Cette conclusion selon laquelle le pouvoir actuel est exercé de façon tyrannique résulte des propos mêmes de Montesquieu. En effet il avait estimé que la tyrannie était constituée « lorsqu’un seul sans loi et sans règle entraîne tout par sa volonté et par ses caprices ». Or l’exécutif actuel gouverne par pur caprice, en l’absence totale d’opposition et avec une autorité judiciaire qui est tout à fait soumise (3) à la fois pour des raisons constitutionnelles et idéologiques.
Le troisième auteur que nous souhaitons évoquer est lui aussi très connu puisqu’il s’agit de Jean-Jacques Rousseau. Plus précisément nous désirons faire état du cas de son livre intitulé «Du contrat social ». Cet ouvrage constitue un texte majeur.
D’après Jean-Jacques Rousseau le contrat social (4) serait un pacte entre les citoyens dans le but de remédier aux inégalités de la société. Mais là aussi confrontée à la réalité cette théorie ne tient pas. Elle ne constitue qu’une fiction élaborée pour les besoins de la cause de son auteur.
Car en réalité il n’existe pas de pacte social, que ce soit aujourd’hui ou avant. Il existe encore moins un pacte qui parviendrait à remédier aux inégalités. Bien au contraire les sociétés sont profondément inégalitaires et se sont construites sur la violence. Dans chaque société des personnes imposent leurs volontés à d’autres personnes. Il n’y a pas d’harmonie là où règne le profit pour quelques uns au détriment de la plus grande masse. Quoi que l’on en dise, quoi que l’on enseigne en réalité la loi est toujours la loi du plus fort.
Notes de bas de page :
(1) Pour ceux qui estimerait que les juges n’ont pas une couleur politique nous leur proposons de remplacer « couleur politique » par « idéologie ».
(2) Nous n’entrerons pas ici dans la discussion visant à déterminer si en France nous sommes en présence d’une autorité judiciaire ou d’un pouvoir judiciaire.
(3) Sauf de très rares exceptions.
(4) D’autres auteurs ont également consacré des théories relatives au contrat social.
Pour aller plus loin :
Lisez notre article « 3 livres juridiques à lire, 3 auteurs de droit à découvrir : Henry Motulsky, Jean Carbonnier et Cesare Beccaria ».
Le livre de Cesare Lombroso : « l’homme criminel »
Le livre de Montesquieu : « De l’esprit des lois ».
Le livre de Jean-Jacques Rousseau : « Du contrat social ».