Les années 2000 ont vu le délaissement de techniques de rédaction séculaires au profit de méthodologies se voulant plus modernes. Ce mouvement a été initié par le Conseil constitutionnel, lequel a été rejoint par le Conseil d’État (1) puis par la Cour de cassation.
La réforme relative à la rédaction des arrêts de la Cour de cassation avait été annoncée comme devant entrer en vigueur le 1er octobre 2019. Cette date toutefois n’a pas été respectée.
Ainsi la presse affirme souvent que ce n’est que pour un arrêt en date du 4 décembre 2019 rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation (2) que cette nouvelle technique de rédaction a été appliquée. Cette affirmation est toutefois erronée (3). En effet un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 3 avril 2019 (4) comportait déjà cette méthode de rédaction.
Cette nouvelle technique de rédaction repose sur l’adoption d’un style direct. Concrètement avec elle c’est la fin des attendus et de la phrase unique.
Les arrêts de la cour de cassation sont depuis organisés en trois parties. La première partie concerne les faits et la procédure. La seconde partie est dédiée à l’examen des moyens du pourvoi. La troisième partie est relative au dispositif. Les arrêts les plus importants disposent d’une motivation développée.
Cette réforme s’appliquant depuis l’année 2019 il est très tentant de faire une comparaison avec la réforme effectuée par le Conseil d’État la même année sur le même sujet. Ces réformes ont été faites à la même époque, d’une façon relativement similaire (5) et en poursuivant les mêmes buts.
En effet la Cour de cassation ainsi que le Conseil d’Etat ont souhaité que leurs décisions soient plus claires et mieux motivées, ceci sans perte de qualité. Ainsi les décisions de justice devaient devenir plus compréhensibles pour les justiciables, et plus largement pour le grand public.
L’objectif est loin d’être atteint. Si la volonté de rendre la justice plus lisible à tous est louable il ne faut pas oublier, n’en déplaise aux âmes sensibles, que les êtres humains ne disposent pas tous des mêmes capacités.
Sous couvert de vouloir un droit prétendument être compréhensible par tous, même aux plus idiots, ces juridictions abaissent nécessairement le niveau des décisions qui ressemblent désormais non plus à des arrêts mais, au mieux, à des mauvais commentaires d’arrêts réalisés par des mauvais étudiants en première année de droit. Les décisions rendues sont sans âmes et encore moins lisibles. Devant un tel spectacle on ne peut qu’en conclure que la Cour de cassation et le Conseil d’État ce n’est plus que ce c’était.
En réalité les choix opérés par la Cour de cassation, par le Conseil d’État, voire par le Conseil constitutionnel ne sont pas juridiques mais idéologiques. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une démarche qui dépasse le seul cadre de la justice. Ils suivent le sens d’autres choix effectués par l’Etat qui sévit de plusieurs années et que l’on peut observer dans d’autres domaines tels que l’éducation nationale. Ce sens est négatif et souhaite moins, toujours moins. Au lieu d’élever le niveau des personnes ou des institutions et de viser l’excellence on vise toujours plus bas. Au lieu de favoriser les meilleurs et l’amélioration en toute chose on favorise la médiocrité et l’affaiblissement.
Note de bas de page :
(1) Concernant la modification relative à la technique de rédaction des décisions contentieuses rendues par les juridictions administratives, lisez notre article « La rédaction moderne des décisions des juridictions administratives ».
(2) Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 décembre 2019, N° de pourvoi : 18-50.073.
(3) Vu le niveau peu élevé de la presse généraliste cette erreur serait presque pardonnable tant il ne rien lui demandé. Elle est par contre impardonnable pour la presse spécialisée, du moins pour ses membres qui se sont fourvoyés, qui devrait présenter une fiabilité plus importante que celle dont dispose la presse généraliste.
(4) Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 avril 2019, N° de pourvoi : 17-11.970.
(5) Ces deux juridictions ont même publié des guides de rédaction.