Cela ne doit pas être la grande joie chez Valve, l’éditeur américain de la plateforme de jeux vidéo en ligne Steam, suite à une décision rendue le 17 septembre 2019 par le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris.
En effet cette décision de justice impose à Valve de permettre la revente des jeux dématérialisés. Nous allons voir l’obligation de permettre la revente des jeux vidéos dématérialisés dans le cas de la plateforme Steam. Nous envisagerons ensuite ses implications. Valve va t’il maintenir l’accès à la plateforme Steam depuis la France ? Quels sont les gagnants et les perdants suite à cette décision de justice ? D’autres plateformes de jeux vidéo dématérialisés vont elles être concernées par cette obligation ? Nous allons aussi vous donner des données complémentaires.
Table des matières
1) L’obligation de permettre la revente des jeux dématérialisés : le cas Steam
Rendue à la demande de l’UFC-Que Choisir le jugement du TGI de Paris du 17 septembre 2019 s’avère être une décision particulièrement intéressante pour l’industrie des jeux vidéos et pour les joueurs en ligne.
Dans ce jugement le TGI affirme que sont réputées non-écrites plusieurs clauses de l’Accord de souscription et de l’Accord sur la protection de la vie privée de la plateforme Steam, ceci en raison de leur caractère illicite ou abusif.
Est notamment visée par cette sanction la clause n° 1.C de l’accord de souscription interdisant la revente et le transfert des souscriptions,
Cette clause selon le TGI est illicite au regarde l’article 4 paragraphe 2 de la directive 2001/29/CE, de la directive 2009/24/CE et des articles L 122-3-1 et L 122-6 3]°) de code de la propriété intellectuelle.
En effet le TGI estime que Valve avec la plateforme Steam vend des jeux vidéos dématérialisés. Le tribunal poursuit en affirmant que le principe de l’épuisement du droit de distribution s’applique à la fourniture de contenus numériques dématérialisés telle que le fourniture de jeux vidéo en ligne, lesquels sont accessibles à distance via internet et téléchargés sur l’ordinateur de celui qui l’utilise. Ainsi la plateforme ne peut pas s’opposer à la revente de cet exemplaire, nonobstant l’existence de dispositions contractuelles interdisant une cession ultérieure.
Suite à cette décision, qui à notre connaissance n’est pas à ce jour frappée d’appel, Valve va devoir opérer des modifications sur la plateforme Steam. Si la cession d’un compte entier n’est pas requise, en raison des données personnelles qu’il contient, Valve va toutefois devoir mettre en place une technologie permettant à chaque joueur de revendre les jeux liés à son compte. Les jeux vont devoir pouvoir être revendus un par un.
2) La plateforme Steam va t’elle rester accessible en France ?
Suite à cette décision Valve pourrait s’interroger sur l’opportunité de laisser la plateforme Steam accessible depuis la France.
Afin de pouvoir permettre la cession des jeux vidéos d’occasion Valve va devoir modifier la plateforme Steam dans le but de permettre la revente individue de chaque jeux dont un joueur dispose. Ceci va nécessairement entraîner des frais pour Valve
Alors que les frais vont augmenter les gains risquent parallèlement de diminuer puisque les acheteurs des jeux n’auront plus l’obligation d’acheter des jeux neufs. On voit d’ailleurs mal l’intérêt qu’aurait un acheteur à faire l’acquisition d’un produit neuf, sauf manque de disponibilité d’un exemplaire d’occasion. En effet étant dématérialisé le jeu ne peut pas être abîmé, alors que cela peut exister lorsque le support est un DVD.
Maintenir la plateforme Steam accessible depuis la France pourrait donc pour son éditeur américain être moins intéressant qu’initialement prévu, voire dangereux pour la réussite de son modèle économique. D’où un risque de fermeture.
3) Les gagnants et les perdants
Les gamers tirent nécessairement avantage de la décision rendue le 17 septembre 2019 par le TGI de Paris. Les uns vont pouvoir revendre des jeux d’occasions, tandis que les autres en les achetant vont payer un prix inférieur à celui d’un produit dématérialisé neuf. Que l’on soit le vendeur ou l’acheteur dans les deux cas chacun est gagnant.
Les perdants c’est bien évidemment en premier lieu Valve, pour les raisons expliquées dans la partie consacrée au risque de voir cet éditeur stopper la disponibilité de la plateforme Steam en France.
Mais il y a d’autres perdants auxquels on ne pense pas immédiatement en lisant la décision de justice. Ces autres perdants ce sont les créateurs de jeux vidéos. S’ils perçoivent une contrepartie financière suite à la vente d’un jeu neuf, cela ne va pas être le cas lors de la revente d’un jeu d’occasion. Or comme la vente de jeux neufs devrait diminuer en raison de la concurrence de la revente des jeux d’occasions, leurs revenus vont baisser dans les mêmes proportions.
4) D’autres plateformes que Steam concernées par l’obligation de permettre la revente des jeux d’occasions.
Juridiquement le jugement du TGI de Paris ne concerne que Valve et sa plateforme Steam. En effet les éditeurs de plateformes similaires n’étaient pas parties à l’instance et ne sont pas concernées par celle-ci. En outre cette décision n’est pour l’instant pas définitive. Un appel demeure possible et la cour d’appel pourrait se prononcer dans un sens contraire à cette décision.
Toutefois le risque, si l’on se place du point de vue des éditeurs et même des créateurs de jeux vidéo, que dans le futur des décisions interviennent concernant d’autres plateformes et qu’elles aillent dans le même sens que le jugement rendu par le TGI de Paris le 17 septembre 2019 existe. Ce risque est d’autant plus grand si le tribunal compétent pour d’autres dossiers est également le TGI de Paris. Il serait en effet logique qu’il suive le même raisonnement que celui adopté dans le dossier de la plateforme Steam.
Ce risque est loin d’être une simple vision de l’esprit. En effet d’ores et déjà l’association UFC-Que Choisir annonce qu’elle va élargir son action à d’autres plateformes. On ne connaît pas à ce jour les plateformes qui sont ainsi visées. Mais les éditeurs de plateforme de jeux dématérialisés peuvent trembler devant ce risque de contagion.
5) Données complémentaires
Référence du jugement : Tribunal de Grande Instance de Paris, 17 septembre 2019, Union Fédérale des Consommateurs – Que Choisir c/ SARL Valve et Société Valve Corporation, numéro RG : 16/01008.
Le jugement du TGI de Paris du 17 septembre 2019 consultable en téléchargement (format pdf) sur le site juriscom.