Dans un arrêt en date du 11 décembre 2019 la chambre commerciale de la Cour de cassation a estimé qu’une banque peut se prévaloir d’un accord tacite d’un client sur ses tarifs après l’ouverture d’un compte bancaire (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 décembre 2019, N° de pourvoi : 18-15.369).
Dans l’affaire concernée par cette décision de justice un client avait ouvert auprès d’une banque un compte courant et une ouverture de crédit par découvert lui avait été consentis.
Ce client a reproché à la banque d’avoir mentionné, pour les intérêts perçus sur ce crédit, un taux effectif global (TEG) erroné.
Le client a alors assigné la banque en demandant la déchéance de tous les intérêts conventionnels prélevés sur son compte, la substitution du taux légal au taux conventionnel, la restitution de la somme trop perçue et la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts. En appel le client a aussi demandé à obtenir la condamnation de la banque à lui rembourser les frais et commissions prélevés sur son compte.
Dans son arrêt en date du 08 février 2018 la Cour d’appel de Caen avait, sur ce dossier, condamné la banque à restituer au client la somme d’argent prélevée sur son compte à titre de commissions et frais.
Pour motiver cette condamnation la Cour d’appel avait rappelé le contenu de l’article 10 des conditions générales de la convention de compte courant consacré aux intérêts, commissions et frais.
En effet selon cet article la banque était fondée à débiter au compte « les commissions de service, d’engagement ou d’avance, et tous frais de gestion conformément au tarif figurant à ses conditions générales de banque dont connaissance est donnée au client au moyen de dépliants mis à sa disposition et par voie d’affichage dans les locaux de la banque et directement sur sa demande, ainsi que les frais entraînés par les incidents relatifs au fonctionnement du compte, aux opérations enregistrées, aux instruments de paiement, ainsi que tous autres débours éventuels, aux conditions en vigueur au jour de l’incident ou pour leur montant effectif selon le cas… ».
Dès lors, selon la Cour d’appel, la signature des conditions générales par le client n’était pas suffisante, à elle seule, pour rendre ce client débiteur des commissions et frais litigieux.
Poursuivant son raisonnement la Cour d’appel avait estimé qu’il incombait à la banque de démontrer que le tarif a été porté à sa connaissance selon l’un ou l’autre des moyens visés par cet article 10.
La Cour d’appel a ensuite relevé que la banque se contentait d’affirmation sans produire aucun justificatif. Elle ne prouvait pas avoir porté ses conditions tarifaires à la connaissance du client par envoi postal avec le relevé de compte, par mise à disposition en agence ou par mise à disposition par internet.
La Cour de cassation n’allait toutefois pas approuver le raisonnement développé par la Cour d’appel.
Dans son arrêt en date du 11 décembre 2019 la chambre commerciale de la Cour de cassation vise l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article R. 312-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle du décret du 30 mars 2018, avant d’exposer les motifs de sa décision.
Au titre de celles-ci la chambre commerciale de la Cour de cassation expose que l’établissement de crédit qui n’a pas porté à la connaissance d’un client auquel il ouvre un compte le prix de ses différents services n’est pas déchu du droit de percevoir le prix de ses prestations et les frais y afférents, dès lors qu’il a, a posteriori, recueilli l’accord du client sur son droit à leur perception et sur leur montant.
La Cour de cassation poursuit son raisonnement en affirmant que l’accord postérieur du client peut résulter, pour l’avenir, de l’inscription d’opérations semblables dans un relevé dont la réception par le client n’a été suivie d’aucune protestation ou réserve de sa part.
La Cour de cassation précise ensuite qu’il en est ainsi même lorsque la convention de compte stipule que les conditions de banque et son tarif seront portés à la connaissance du client par des moyens spécifiques, une telle convention n’excluant pas un accord tacite postérieur du client.
Dès lors la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de s’être déterminée sans avoir recherché si les commissions et frais litigieux avaient été perçus avant que le client n’ait connu, par des inscriptions sur ses relevés de compte, les exigences de la banque à cet égard pour des opérations semblables.
La Cour de cassation en conclue que la Cour d’appel a privé sa décision de base légale et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel avant de prononcer un renvoi devant une autre Cour d’appel.
Il faut donc retenir de cet arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation qu’une banque qui n’a pas porté à la connaissance d’un client ses tarifs au moment de l’ouverture d’un compte peut recueillir ultérieurement l’accord du client sur ceux-ci. Cet accord peut, notamment, résulter de la communication au client d’un relevé sans protestation ou réserve de la part du client. Cette communication peut être effectuée même par un moyen qui n’est pas visé par une convention de compte. Dans le cas d’un relevé toutefois cet accord ne peut intervenir que pour l’avenir et pour les opérations de même nature que celles visées par le relevé. Les opérations antérieures, ou postérieures mais de nature différente, ne peuvent permettre à la banque d’appliquer les tarifs relatifs à celles-ci.
Pour aller plus loin :
Consultation de l’arrêt : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 décembre 2019, N° de pourvoi : 18-15.369.
ECLI:FR:CCASS:2019:CO00973
Décision attaquée : Cour d’appel de Caen, du 8 février 2018