Publié le 29 octobre 2024.
Mis à jour le 2 novembre 2024.
La taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), aussi connue comme étant la « taxe Chirac », a récemment fait l’objet d’une proposition d’augmentation, une initiative du ministère des Transports visant à financer divers projets sociaux et écologiques. Bien que cette augmentation, qui ajoutera 9,50 euros pour les vols intra-européens et 120 euros pour les longs courriers en classe affaires, soit qualifiée d’ « absorbable » par le ministre François Durovray, elle ne manque pas de susciter des interrogations.
Table des matières
1. Une augmentation reposant sur un motif étonnant et douteux
Selon le ministre, la hausse du coût des billets d’avion viserait à répondre aux incompréhensions des voyageurs, ceux-ci étant perplexes de constater que le train coûte souvent plus cher que l’avion pour des trajets similaires. En effet, un billet d’avion Paris-Marseille, proposé par une compagnie low-cost, peut parfois être moins cher qu’un billet de train pour la même distance.
Ce constat de différence de prix ne doit cependant pas masquer l’inconsistance de l’argument avancé. Justifier une augmentation de taxe par une « incompréhension » des voyageurs est surréaliste et sans précédent. Présentée de cette façon, l’augmentation de la taxe pourrait même laisser entendre qu’elle découle d’une « demande » implicite des voyageurs qui ne comprendraient pas pourquoi l’avion est moins cher que le train. C’est comme s’ils avaient réclamé de payer plus cher pour le même service, une demande pour le moins absurde et peu réaliste.
Rappelons que cette taxe a été initialement mise en place pour financer l’organisme international Unitaid, chargé de centraliser les achats de traitements médicaux pour les pays en développement, en vue de négocier des prix avantageux. En France, cette taxe a été augmentée d’une éco-contribution en 2020 pour répondre aux enjeux environnementaux. Ainsi, le but de la taxe n’a jamais été d’équilibrer les prix entre le train et l’avion, et son augmentation actuelle ne peut raisonnablement se fonder sur un argument aussi peu crédible, qui pourrait bien dissimuler d’autres intentions.
Baser l’augmentation d’une taxe sur un tel argument paraît inacceptable, d’autant plus dans un pays où la pression fiscale est l’une des plus élevées au monde, et où de nombreux ménages se trouvent en difficulté financière, dans un contexte économique déjà très fragile.
2. Une augmentation reposant sur des motifs inavoués
L’augmentation de la taxe sur les billets d’avion semble en réalité répondre à d’autres objectifs que celui avancé par le ministère des Transports. En effet, des appels à aligner la taxe française sur celles, plus élevées, d’autres pays, en particulier le Royaume-Uni, se multiplient. Un ajustement sur le modèle britannique pourrait générer jusqu’à 3,5 milliards d’euros supplémentaires chaque année.
Jérôme du Boucher, responsable de l’aviation à T&E France, a d’ailleurs exprimé cet été que « La France est à la traîne sur la fiscalité de l’aérien (…) Aligner le niveau de taxe sur les billets d’avion sur celui de nos voisins européens ferait doublement sens : d’une part, cela dégagerait des ressources budgétaires significatives dans un contexte très contraint ; d’autre part, cela enverrait le signal que le secteur doit payer le juste prix pour ses émissions de CO₂ et sa pollution ».
L’augmentation de la taxe sur les billets d’avion souhaitée par le ministère des Transports semble ainsi viser cet alignement stratégique et budgétaire, bien plus qu’à répondre à une demande des voyageurs, contrairement aux propos du ministre. L’objectif paraît clair : obtenir davantage de recettes en s’appuyant sur les principes de l’écologie punitive.
3. Des craintes pour le secteur de l’aviation en France
Alors que le ministère des Transports affirme que l’augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion serait absorbable par les compagnies et les passagers, les professionnels de l’aviation expriment des inquiétudes croissantes. Plusieurs compagnies aériennes ont rapidement réagi, invoquant une crainte de perte significative de passagers, en particulier parmi les classes moyennes pour lesquelles le prix du billet est décisif.
Easyjet, compagnie low-cost majeure, souligne que « la sensibilité au prix est importante » pour les vols courts et moyens-courriers, et qu’une hausse des taxes entraînerait inévitablement une augmentation des tarifs. Selon un sondage commandé par Easyjet, 57 % des Français rejettent cette mesure, et 71 % considèrent que son véritable objectif est de renflouer les caisses de l’État, plus que de répondre à des enjeux écologiques. Bertrand Godinot, directeur d’Easyjet pour la France, avertit : « Les classes moyennes, les PME ou les étudiants n’auront bientôt plus accès à des vols abordables, alors que prendre l’avion ne doit pas être réservé à une élite ». Le dirigeant insiste également sur le fait que cette hausse pourrait freiner les investissements des compagnies dans la transition écologique, rendant difficile la modernisation de la flotte pour réduire les émissions de CO₂.
Les inquiétudes s’étendent bien au-delà des compagnies low-cost. La Fédération nationale de l’aviation marchande (FNAM) et l’Union des Aéroports Français (UAF) ont dénoncé les « effets dévastateurs » d’une telle mesure, qui risquerait de nuire à l’ensemble de l’industrie. Pascal de Izaguirre, président de la FNAM et PDG de Corsair, met en garde contre un « risque de fermeture de lignes régionales » et d’« évasion du trafic vers des hubs étrangers ». Ces effets pourraient particulièrement se faire sentir dans les régions d’Outre-mer, où l’aviation est souvent le seul moyen de transport rapide et fiable.
Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) s’est joint aux critiques en soulignant que l’accumulation de mesures fiscales envisagées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 risque de réduire l’attractivité touristique de la France. Ces mesures, jugées « excessives », pourraient freiner la compétitivité des compagnies françaises par rapport à leurs concurrents internationaux, souvent moins réglementés, tout en mettant un coup d’arrêt à la réindustrialisation de la filière aéronautique française.
De son côté, Air France,a pris l’initiative d’augmenter ses tarifs avant même l’adoption officielle de cette mesure. En effet, le groupe Air France-KLM a annoncé une hausse sur le prix de ses billets, appliquée pour les vols dès le 1er janvier prochain.
Cette démarche d’Air France a provoqué un tollé parmi les voyageurs, qui se sont exprimés sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’avancée de la compagnie. Un utilisateur, entre autres, a appelé au boycott des compagnies du groupe, interpellant : « C’est quoi votre délire de prendre les devants sur la taxe de solidarité ? » La réaction est tout aussi vive chez les professionnels du secteur : les représentants des agences de voyages et des tour-opérateurs ont exprimé leur mécontentement dans un courrier adressé à Air France, dénonçant l’application prématurée de cette taxe non encore votée.
Face à ces critiques, Air France justifie sa décision en arguant d’une anticipation nécessaire pour éviter une perte financière conséquente si l’amendement venait à être adopté. Le groupe s’engage toutefois à procéder à une régularisation des tarifs en cas de modification ou de rejet de la taxe.
4. Une taxe avec une sinistre réputation
La taxe de solidarité sur les billets d’avion, bien avant l’annonce de son augmentation, a déjà suscité de nombreuses critiques et s’est retrouvée au cœur de vives controverses.
Comme nous l’avons indiqué, cette taxe est destinée en priorité à financer Unitaid, une organisation internationale dédiée à l’achat centralisé de médicaments pour les pays en développement, permettant ainsi de négocier des prix avantageux. Cependant, avant même son augmentation, la France contribue déjà majoritairement à Unitaid, représentant environ 60 % de son financement global. Cette situation pèse lourdement sur les entreprises aériennes françaises, et notamment Air France-KLM, qui voient leur compétitivité affectée par une taxe servant à financer une organisation internationale sans apport direct pour l’économie nationale.
En outre, il est important de rappeler, comme le soulignait Le Nouvel Observateur, qu’Unitaid aurait utilisé une partie de ces fonds pour faire des dons à la Fondation Clinton. En 2011, la Cour des comptes française avait révélé qu’entre 2007 et 2011, 541 millions de dollars avaient été transférés à cette fondation, sans contrôle direct d’Unitaid quant à l’usage des fonds. La Cour a également pointé un manque de garanties sur l’utilisation des sommes allouées, compromettant potentiellement les objectifs initiaux d’Unitaid, notamment la livraison des médicaments requis.
5. Réduire la pression sur le prix des billets au lieu de l’augmenter
Si, comme l’affirme le ministre, l’objectif de l’État français est de répondre à l’incompréhension des citoyens face aux prix plus élevés des billets de train par rapport aux billets d’avion, alors la solution logique aurait été de s’engager dans une démarche visant à réduire le prix des billets de train. Cela permettrait de respecter les intérêts économiques des Français tout en offrant des avantages écologiques, le train étant souvent considéré comme plus respectueux de l’environnement que l’avion.
À titre d’exemple, un aller-retour Paris-Mulhouse en train coûte souvent deux à trois fois plus cher qu’un trajet équivalent en voiture ou en avion, malgré les efforts affichés pour réduire les émissions de CO₂.
En prenant une direction opposée, l’État français démontre que l’argument avancé pour justifier cette augmentation de taxe est discutable et masque un désir d’augmenter les recettes fiscales en recourant à une « écologie punitive ». Que les déplacements en avion ou en train deviennent progressivement réservés à une classe privilégiée ne semble guère préoccuper l’État, peut-être même cela lui convient-il.
6. Produits pour mieux voyager
Pour les voyageurs soucieux de leur budget et de l’impact environnemental de leurs déplacements, il existe des solutions pratiques et économiques. Amazon propose, par exemple, divers produits pour faciliter des voyages responsables, que ce soit pour explorer l’Europe sans avion ou pour voyager léger et confortablement.
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Ces produits offrent des solutions économiques et pratiques, qu’il s’agisse de découvrir des destinations locales ou de planifier des voyages plus écologiques.
7. Points à retenir
• Le gouvernement souhaite augmenter la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA).
• L’argument du ministre selon lequel cette hausse répond à une « incompréhension » des voyageurs sur les prix du train par rapport à l’avion est surréaliste et peu crédible.
• La TSBA finance principalement Unitaid pour environ 60 % de son budget, sans retour positif pour l’économie française, malgré des controverses et au détriment des intérêts français.
• Les compagnies aériennes expriment des inquiétudes quant à l’impact de cette taxe sur leur compétitivité, en particulier pour les classes moyennes.
• Une réduction du prix des billets de train aurait pu être une alternative plus logique et bénéfique, respectant les intérêts économiques et écologiques des Français.