Dans un monde où la rapidité du changement semble être l’une des rares constantes, une tendance inquiétante émerge : l’expérience, autrefois perçue comme une qualité indispensable sur le marché du travail, est désormais souvent dévalorisée. De plus en plus d’entreprises privilégient les jeunes recrues inexpérimentées, associant la fraîcheur et l’adaptabilité à une compétence clé, tandis que les professionnels expérimentés sont marginalisés. Cette dynamique bouleverse non seulement la vie professionnelle de nombreuses personnes, mais met aussi en lumière des risques pour les entreprises elles-mêmes.
Table des matières
L’inexpérience : une norme émergente dans le management ?
Dans son ouvrage de 2015, « Le Management désincarné : Enquête sur les nouveaux cadres du travail », la sociologue Marie-Anne Dujarier décrit cette situation en soulignant que certaines entreprises considèrent « l’inexpérience comme une compétence utile ». Une déclaration qui peut sembler contre-intuitive mais qui reflète une réalité croissante dans certains secteurs, où le manque d’expérience est perçu comme une chance d’apporter un regard neuf, débarrassé des « lourdeurs » du passé.
Un autre exemple frappant vient de Danièle Linhart dans son livre « L’insoutenable subordination des salariés », publié en 2020. Selon Danièle Linhart, l’inexpérience devient une norme dans le recrutement de cadres, avec des entreprises cherchant délibérément à recruter des jeunes sans expérience. L’intérêt pour l’expérience passée est souvent considéré comme un obstacle au changement, une résistance perçue comme nuisible à l’innovation.
Comme elle l’écrit, « L’intérêt pour le passé devient suspect, il renvoie à une nostalgie déplacée, contre-productive, un défaut d’adaptation et de capacité d’agir ». Une enquête, menée par ses soins en 2011 sur des cadres d’une institution publique, renforce ce constat, avec des témoignages affirmant que les entreprises ont tendance à favoriser les jeunes au détriment des plus âgés, jugeant que l’expérience n’a plus autant de valeur dans un contexte où « tout évolue beaucoup ».
Ce changement de paradigme soulève de nombreuses questions : pourquoi les entreprises estiment-elles que l’expérience est un frein à la performance ? Quels en sont les effets sur les professionnels plus âgés et expérimentés, et quels risques cela présente-t-il pour les entreprises elles-mêmes ?
Les conséquences pour les travailleurs expérimentés
Pour de nombreux travailleurs expérimentés, cette nouvelle norme peut signifier des difficultés accrues à trouver ou à maintenir un emploi. Si l’inexpérience est valorisée, cela laisse peu de place pour ceux qui ont accumulé des années de savoir-faire, de compétences et d’expertise. Des professionnels qui auraient autrefois été considérés comme des atouts sont aujourd’hui confrontés à une situation où leur expérience peut même devenir un désavantage.
Cette marginalisation des travailleurs expérimentés entraîne un sentiment d’insécurité professionnelle. L’idée que « plus vous avez d’expérience, plus vous êtes difficilement employable » reflète une nouvelle réalité cruelle pour des millions de travailleurs. Le mépris croissant pour l’expérience réduit les perspectives de carrière des personnes qui se trouvent dans la deuxième moitié de leur vie professionnelle, ce qui peut aussi nuire à leur bien-être et à leur moral.
Le risque pour les entreprises
Cette dévalorisation de l’expérience a aussi des implications pour les entreprises elles-mêmes. Si recruter des employés inexpérimentés peut offrir une vision nouvelle ou une plus grande flexibilité, cela peut aussi conduire à la perte d’un savoir-faire crucial. En excluant les travailleurs expérimentés, les entreprises risquent de se priver d’un capital humain accumulé au fil des ans, que les jeunes recrues, malgré leur enthousiasme, ne peuvent pas compenser.
De plus, en recrutant des travailleurs interchangeables, les entreprises réduisent leur capacité à construire une expertise collective solide, et leur capacité à innover peut en souffrir à long terme. Un jeune travailleur sans expérience peut être adaptable, mais il lui faudra du temps pour maîtriser les subtilités et les rouages d’un secteur, une compétence que seule l’expérience permet d’acquérir.
L’échange de l’expérience pour l’adaptabilité : un faux dilemme ?
Le fait de privilégier l’inexpérience au nom du changement et de l’innovation présente des avantages pour certaines entreprises, mais cela reste un choix risqué. La question est : peut-on vraiment se permettre de sacrifier l’expérience au profit de l’adaptabilité ? Ne devrait-il pas y avoir un équilibre entre ces deux aspects ?
L’une des raisons pour lesquelles les entreprises optent pour les jeunes recrues inexpérimentées pourrait être d’ordre financier. Les jeunes travailleurs coûtent généralement moins cher en termes de salaire et d’avantages sociaux que leurs homologues plus expérimentés. Cependant, à long terme, les erreurs commises par manque d’expérience peuvent coûter cher à l’entreprise, notamment en termes de productivité, de gestion des risques, et de continuité stratégique.
Les employés deviennent interchangeables
Une autre conséquence de cette nouvelle norme est l’idée que les employés deviennent de plus en plus interchangeables. Les entreprises peuvent les recruter, les former rapidement, puis les remplacer dès que le besoin s’en fait sentir, un schéma qui peut accentuer la précarité des emplois. En mettant de côté l’expérience, les entreprises traitent leurs employés comme des pièces détachables plutôt que comme des contributeurs stratégiques de long terme. Cela peut affecter la motivation et l’engagement des travailleurs, et nuire à la cohésion au sein des équipes.
Produits pour approfondir la connaissance de cette mutation du monde du travail
La mutation actuelle du monde du travail, telle que nous l’avons évoquée, peut être approfondie par la lecture des ouvrages suivants :
• « Le Management désincarné » de Marie-Anne Dujarier.
• « L’insoutenable subordination des salariés » de Danièle Linhart.
Ces livres sont disponibles sur Amazon et constituent des ressources incontournables pour ceux qui souhaitent obtenir un éclairage complémentaire sur ces nouvelles réalités professionnelles.
Une approche irrationnelle
Le monde du travail évolue rapidement, et il semble que certaines entreprises adoptent une approche irrationnelle en matière de recrutement. D’une part, elles écartent les travailleurs expérimentés, considérant l’expérience comme un handicap plutôt qu’un atout, et d’autre part, elles privilégient des critères de recrutement qui ne sont pas toujours liés à la compétence, influencées par les tendances du wokisme. Ainsi, des décisions sont prises en fonction du genre, de l’origine ou des préférences des candidats, au détriment du savoir-faire et des compétences professionnelles.
Ce double constat démontre une incohérence frappante dans les pratiques de recrutement. En privilégiant l’inexpérience pour favoriser la « nouveauté » et en s’éloignant de la compétence comme critère principal, les entreprises se privent volontairement de forces vives précieuses. L’expérience, qui a un lien direct avec la compétence, ne devrait jamais être ignorée ou dévalorisée.
La clé réside dans une vision équilibrée, où la diversité des profils et des parcours professionnels est encouragée, sans perdre de vue l’importance de la compétence. Il est crucial de combiner la jeunesse, qui apporte des perspectives neuves, avec l’expérience, qui constitue un socle de savoir-faire indispensable à l’innovation durable.
Dans ce contexte où la rapidité du changement est frappante, que pensez-vous de cette tendance à ignorer l’expérience et à privilégier des critères extérieurs à la compétence ? N’hésitez pas à partager vos réflexions dans les commentaires !